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les plus braves qui devenaient les plus timides. Romuald, le chef intrépide, sortit de Bénévent avec ses soldats et marcha contre les barbares. Bientôt les deux armées furent l’une devant l’autre. Les trompettes de l’armée de Romuald retentirent, et la terre s’ébranla aux cris que poussèrent les deux armées. Le combat dura depuis le matin jusqu’au soir, et quarante mille hommes de l’armée barbare tombèrent morts ce jour-là. Le sultan Florent s’enfuit, arriva au bord de la mer, et se hâta de remonter sur son vaisseau. Romuald, le grand prince de Bénévent, était comme un lion qui a fait son carnage et qui tressaille encore du combat qu’il a livré : il poursuivait les infidèles, sans les laisser reposer. C’est ainsi qu’il délivra Bénévent, et quand il revint dans sa ville, beaucoup de chefs le prirent pour leur duc[1].

Avec tant de renommée et tant de puissance, comment se fait-il que Bénévent n’ait pas eu au IXe siècle une meilleure fortune, et que ce duché lombard ne soit pas devenu le royaume des Deux-Siciles ? Le duché de Bénévent avait pour ennemis les Byzantins, les musulmans, les carlovingiens, les petites républiques maritimes de l’Italie méridionale ; mais ces ennemis étaient souvent divisés, et ce n’est pas sous leurs coups qu’il aurait succombé, s’il n’avait porté dans son sein les causes de sa ruine. Les deux causes principales de cette ruine sont le manque de marine et le morcellement féodal.

Au temps de leur puissance en Italie, les Lombards n’avaient pas de marine, et le duché de Bénévent n’en eut pas non plus. Venant de la Pannonie et peuple essentiellement continental, les Lombards ne comprirent pas, en arrivant en Italie, qu’ils devaient prendre conseil du pays où ils arrivaient et non pas du pays d’où ils venaient. Or la configuration géographique de l’Italie appelle évidemment une marine. Assise entre deux mers, avec des côtes qui ont presque partout des golfes et des ports, l’Italie perd les avantages de sa position, si elle n’a pas de marine. Il y a plus : faute de marine, ses avantages tournent contre elle. Elle est partout ouverte et exposée aux incursions des peuples étrangers. La grandeur de l’Italie au moyen-âge tient à ses républiques maritimes, à Pise, à Gênes, à Venise, et au commerce qu’elles faisaient en Orient. Il faut que l’Italie se répande au dehors, si elle veut remplir sa destinée, si elle veut devenir un grand état. Et qu’on ne croie pas que je conseille à l’Italie de se créer une grande marine de guerre et de laisser à son gouvernement le soin de lui faire la grandeur maritime que lui conseille la géographie. C’est aux particuliers que

  1. Benedicti sancti Andréas monachi chronicon (apud Pertz), — scriptores rerum germanicarum, tome III, p. 700.