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rentre aussi dans l’histoire de la question d’Orient telle que les papes l’ont toujours très sagement considérée. C’est ce qui me permet d’en dire un mot.

On sait la lutte héroïque que Scanderbeg soutint avec ses Albanais contre Mahomet II, Cette résistance arrêta l’impétuosité du conquérant turc et aida à sauver l’Europe. La force de l’Albanie périt avec Scanderbeg. Ses compagnons les plus fidèles ne voulurent pas accepter le joug des Turcs ; ils préférèrent l’exil à la servitude, et émigrèrent dans le royaume de Naples. Ces émigrations continuèrent à mesure que la domination turque s’appesantissait sur l’Albanie. D’abord accueillis en Italie comme des frères et des martyrs, les réfugiés albanais éprouvèrent bientôt les désappointemens et les peines réservés aux exils qui durent. Les vice-rois espagnols, qui avaient remplacé à Naples la première maison d’Aragon, ne s’inquiétèrent pas des services que Scanderbeg avait rendus à l’Europe et surtout à l’Italie. Ils laissèrent les barons de la Calabre opprimer à leur aise des réfugiés pauvres et sans appui. Comme les Albanais n’avaient pas voulu abandonner leur rit grec, cette persévérance les exposait aussi aux persécutions des Latins. Sans prêtres pour les assister, sans écoles grecques pour leurs enfans, l’émigration albanaise disparaissait peu à peu. C’est l’honneur du pape Clément XII (1730-1740) d’être venu au secours de l’émigration albanaise. Comme les Albanais n’étaient pas sujets du saint-siège, mais du royaume de Naples, il ne pouvait pas les décharger de tous les fardeaux qu’ils supportaient ; mais il apprit à les respecter en fondant pour eux un collège gréco-italien, en faisant donner à leurs enfans l’instruction dans leur langue nationale, en permettant la célébration du rit grec. Cette fondation était une bonne œuvre, entièrement conforme aux principes et aux intérêts de la civilisation chrétienne en face de l’Orient mahométan. Ce n’est pas en effet par les armes qu’il faut combattre l’Orient mahométan ou barbare ; c’est par la supériorité de la civilisation chrétienne et par l’union religieuse et politique de l’Europe avec les nombreux frères chrétiens que nous avons en Orient. La fondation du collège gréco-italien répondait à ces idées, et elle répondait aussi à la vocation que l’Italie a pour l’Orient. C’est là en effet que sont tous les grands souvenirs de sa marine et de son commerce au moyen-âge ; c’est là aussi qu’est son avenir maritime et commercial. La papauté n’a jamais failli à cette vocation, mais elle intervient en Orient par la propagande religieuse surtout ; c’est son devoir et son droit. Il y a une autre intervention que l’Orient demande à l’Italie : c’est celle que racontent les arsenaux et les ports de Gênes, de Pise, de Venise, de Gaëte, de Naples, de Brindes,