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foi ont si souvent troublée. Au point où la science des religions est parvenue et à voir les pas qu’elle fait d’année en année, une telle espérance doit-elle encore nous paraître vaine ? Je n’hésite pas à répondre non. Le beau livre publié récemment à Londres par M. Ernest de Bunsen, digne successeur du célèbre ministre de Prusse Christian de Bunsen, d’autres documens propres à compléter l’œuvre du savant théologien m’aideront sans doute à faire passer cet espoir dans l’âme de mes lecteurs.


I

Le titre choisi par M. de Bunsen répond de la manière la plus exacte à la pensée qu’il développe dans tout son ouvrage. C’est un fait connu de tout le monde aujourd’hui que dans les premiers temps du christianisme il existait une doctrine secrète transmise par la voie de la parole et en partie peut-être par l’écriture ; cet enseignement mystérieux excluait d’abord ceux qu’on appelait catéchumènes) c’est-à-dire les païens convertis, mais non encore instruits dans les choses de la foi et n’ayant pas reçu le baptême. Une fois chrétiens, ils n’étaient pas pour cela initiés aux plus profondes doctrines, car celles-ci se transmettaient en quelque sorte de la main à la main entre les hommes dont la foi plus ardente était éclairée par une intelligence plus vive ; à ce titre, ils pouvaient devenir docteurs à leur tour, instruire et diriger la masse des fidèles. Sur quels points de doctrine portait le mystère ? C’est une question qu’il est impossible de résoudre à priori et que l’étude des textes peut seule éclaircir : on est néanmoins en droit de penser que le voile du secret couvrait les parties les plus profondes de la science sacrée et celles qu’il eut été le plus dangereux de découvrir à tous au milieu du monde païen, dans une société chrétienne composée de personnes pour la plupart ignorantes. Vint-il un temps où la doctrine cachée cessa de l’être ? On s’accorde généralement à dire qu’après Constantin il n’y eut plus de tradition secrète dans aucune église, ni en Orient ni en Occident. En reconnaissant la religion chrétienne comme une des religions autorisées dans tout l’empire, cet empereur ôta une de ses deux raisons d’être à la discipline du secret, en se faisant chrétien, il convia tout le monde romain à faire de même, et fit naître une émulation qui contribua beaucoup aux progrès du christianisme. Par cela même, les églises furent ouvertes à tous ; l’affluence y fut grande ; il devint impossible aux diacres d’arrêter à la porte les catéchumènes ou les païens. Or la prédication, s’adressant à tous, dut perdre en profondeur ce qu’elle gagnait en étendue, se faire populaire, prendre une couleur