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premiers chrétiens, qui l’ont défendu au prix de leur repos et parfois même de leur vie. Si le christianisme n’était qu’un développement du mosaïsme, son histoire primitive et la destinée ultérieure du peuple juif seraient inexplicables ; il serait impossible de comprendre comment les Israélites ont pu si longtemps être mis au ban des nations et surtout des nations chrétiennes ; nous ne verrions pas non plus pourquoi saint Paul reprochait si amèrement au chef des apôtres d’être encore judaïsant et de cacher la lumière. A présent toute cette longue histoire s’explique jusque dans ses menus détails : la transmission antique, le développement dans Alexandrie, l’incarnation vivante des doctrines dans la personne de Jésus, la vie et la mort de ce grand initiateur, puis les terreurs et les luttes des apôtres et le mystère dont s’entourait la primitive église, bientôt après la haute philosophie des pères grecs et latins, dont la couleur orientale contrastait avec les systèmes gréco-romains, enfin le prodigieux établissement d’une église qui, par ses dogmes, ses rits, ses constructions, ses institutions et son influence, embrasse depuis plusieurs siècles tout l’Occident.

Le rôle antique du peuple juif par rapport au christianisme s’explique aussi. Il devient en effet manifeste qu’Israël a conservé comme un dépôt la doctrine aryenne ; mais ce rôle n’est pas échu à tout Israël, car, tandis que les Hébreux vivaient sous la loi mosaïque, quelques-uns d’entre eux seulement se transmettaient, comme le font aujourd’hui les Parsis, ces dogmes secrets et contraires au mosaïsme destinés à devenir les dogmes chrétiens. M. de Bunsen affirme que ces dépositaires du secret le recevaient par un choix spécial de Dieu : je n’examine point cette question, qui n’est pas du ressort de la science, et je crois que l’ouvrage de M. de Bunsen gagnerait en valeur scientifique, si toute expression de la foi personnelle de l’auteur en était retranchée.

Ce même besoin du cœur le conduit à de nouvelles conséquences qu’il me reste à faire connaître. M. de Bunsen avait encore à faire rentrer dans sa grande théorie les livres mosaïques antérieurs à la captivité de Babylone, car affirmer simplement que le christianisme procède de Zoroastre, c’est repousser presque toute la Bible et l’isoler dans l’histoire. Il fallait donc assigner à ces vieux livres sémitiques un rôle essentiel dans les origines de la foi. De plus il fallait que ce rôle fût en harmonie avec la doctrine générale de l’ouvrage, qui attribue au christianisme une origine aryenne. On peut juger d’avance qu’il a fallu beaucoup de science à l’auteur, et peut-être même un peu d’artifice, pour accommoder ces nouveaux et obscurs problèmes avec les solutions lumineuses qui viennent d’être exposées. Voici ce que remarque à ce sujet M. de Bunsen.