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préféreraient renoncer au droit d’émission plutôt que de subir ces restrictions. On dit : — Mais les banques ne s’établissent pas, ne se multiplient pas comme elles font en Amérique et en Angleterre ; il faut bien qu’il y ait un obstacle quelque part dans l’organisation actuelle du crédit. L’obstacle, il n’est point dans l’organisation du crédit ; il est dans l’état des affaires, qui jusqu’à ce jour n’a pas été suffisant pour permettre l’établissement d’un plus grand nombre de banques. Attendez, l’œuvre que vous désirez s’accomplira tout naturellement par la force des choses, à mesure que les affaires se développeront. Déjà nous avons à Paris un certain nombre de banques de dépôts qui n’existaient pas il y a quelques années, et elles n’ont pas eu besoin du droit d’émission pour réaliser de beaux bénéfices. Il s’en est établi d’autres à Lyon, à Bordeaux ; il s’en projette ailleurs ; de proche en proche elles gagneront tous les centres commerciaux qui en auront besoin, comme les chemins de fer, qui, après avoir commencé par les grandes artères, finissent par pénétrer partout. Ce sera l’œuvre du temps, et il ne sera pas nécessaire pour cela de compromettre les avantages qui résultent de l’unité du billet au porteur.

On dit enfin, et cette objection est surtout présentée de l’autre côté du détroit par un recueil des plus accrédités, the Economist, on dit : Les banques locales d’émission ont l’avantage de faire sortir le numéraire de partout. Si Londres, ajoute-t-on, est le premier marché du monde pour le numéraire et le capital disponible, il le doit aux banques locales d’émission. Cette objection serait grave, si elle était fondée : il importe, en effet, d’augmenter la disponibilité du numéraire et de l’empêcher de s’immobiliser dans les caisses ou dans les tiroirs particuliers, mais on peut obtenir ce résultat sans recourir aux banques d’émission : les banques de dépôts suffisent, à moins qu’on ne prétende que les banques de dépôts ne peuvent pas s’établir sans le droit d’émission, ce qui rentre dans le système de M. de Lavergne, que je viens d’examiner. — Si on prétend au contraire que c’est le papier émis par les banques qui fera sortir le numéraire, il me semble qu’il sortira encore beaucoup mieux avec une banque unique ayant de nombreuses succursales. En définitive, qu’est-ce qui peut rendre le numéraire disponible ? C’est, en dehors du système des viremens, la facilité plus ou moins grande qu’on a de le remplacer par des billets au porteur. Or, s’il est démontré qu’avec des banques locales, lorsqu’on tient à les avoir dans des conditions de sécurité parfaite, la circulation fiduciaire diminue plutôt qu’elle ne s’étend, je ne vois pas comment, avec moins de billets, on aurait plus de numéraire disponible, et si ces banques pouvaient attirer le numéraire autour d’elles, elles n’auraient pas, pour se le transmettre les unes aux autres,