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lesquelles il s’engage, et il préférera toujours rester dans son propre pays avec un intérêt moindre que d’aller au dehors pour un intérêt plus élevé. C’est ce qui explique comment, en temps normal, l’intérêt peut être à 3 et 4 pour 100 en Angleterre, à 2 1/2 pour 100 en Hollande, à 6 et 7 pour 100 en Italie, à 10 en Espagne et 12 pour 100 en Amérique, sans que le capital des deux premiers pays se déverse dans les autres. On arrivera peut-être un jour, avec plus de facilité dans les rapports, à atténuer ce qu’il y a d’excessif dans les différences d’intérêt suivant les pays, sans pourtant que le nivellement soit jamais complet. Comme il y aura toujours de plus grands risques à courir dans un pays que dans l’autre, cette différence dans le risque, à part toute autre considération, fera la différence dans l’intérêt.

Mais arrivât-on à un nivellement complet, à une solidarité absolue entre tous les établissemens de crédit, ce qui nous paraît une chimère, qu’on n’y trouverait pas les moyens de prévenir les variations de l’escompte ; il faudrait encore empêcher la demande de dépasser jamais l’offre. Plus on établirait de facilités pour le crédit, plus on multiplierait l’emploi du capital, et plus par cela même on le rendrait cher. C’est l’effet que nous avons pu constater depuis quelques années, à mesure que les établissemens de crédit se sont multipliés. Ils ont eu beau mettre plus de capitaux à la disposition du commerce : comme ils en ont provoqué l’emploi sur une échelle plus considérable encore, ils ont contribué à faire augmenter le taux de l’intérêt plutôt qu’à le modérer. Il n’y a qu’un seul moyen pour renfermer les variations de l’escompte dans de certaines limites, c’est la prudence. C’est aux établissemens qui ont pour mission spéciale de distribuer le crédit, de ne jamais s’engager au-delà de leurs forces, de ne jamais perdre de vue, dans les momens où le capital est abondant, qu’un jour il pourra être cher, et qu’il le sera d’autant plus que dans les jours d’abondance ils se seront laissés aller à le prêter à des conditions trop peu élevées. Il y a en Europe une banque privilégiée dont les variations du taux de l’intérêt sont très modérées, c’est la Banque de Hollande : cela tient à ce que dans les momens où l’argent est abondant, elle n’abaisse pas le taux de l’intérêt autant qu’elle pourrait le faire ; elle ne prête guère au-dessous de 4 pour 100. On se passe d’elle quand l’argent est au-dessous de ce cours, et quand il est au-dessus, elle ne prête que jusqu’à concurrence d’un certain capital. À ces conditions, elle peut maintenir le taux de son escompte presque invariable ; mais ce ne peut pas être là le fait de banques comme la Banque d’Angleterre et comme la Banque de France. La Banque de Hollande n’est qu’un accessoire dans un pays admirablement pourvu d’autres établissemens de crédit ; le crédit