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L’AVEU.

En ce temps-là ! — c’était un jour comme aujourd’hui,
Pour moi vous étiez : Elle, et pour vous j’étais : Lui !
En ce temps-là, ma toute belle, —
Un jour comme aujourd’hui, nous suivions ce chemin ;
Je n’osais ni parler ni vous donner la main,
Je vous disais : Mademoiselle ;

Vous me disiez : Monsieur, vous en souvenez-vous ?
Ah ! que vous étiez belle et que l’air était doux !
Dans ces momens, tout nous étonne ;
Nous avions pourtant fait ce chemin bien des fois,
Mais c’étaient d’autres champs et c’étaient d’autres bois,
Et nous découvrions l’automne.

L’automne ! le printemps empourpré de l’hiver,
Tumultueux, sanglant, incendié, moins vert,
Mais plus ardent, mais plein de fièvres :
Le sein roux de la vigne était gonflé de vin,
Les oiseaux se cherchaient ; dans le fond du ravin,
L’eau faisait comme un bruit de lèvres.

Les lilas amoureux tâchaient de refleurir,
Et l’astre, s’épuisant avant que de mourir,
Faisait vibrer toutes ces choses,
Et la nature en feu portait son deuil vermeil
En veuve de soleil, mais qu’un autre soleil
Épousera, — viennent les roses !

Oh ! toutes ces chansons et toutes ces couleurs !
Les chênes, ce jour-là, ressemblaient à des fleurs,
Et les bouleaux aux feuilles blanches
Que soulevaient parfois de légers tourbillons
À des arbres d’argent couverts de papillons
Frissonnant au milieu des branches.

L’ambre et l’or enchâssaient le monde souriant ;
Des geais couleur d’azur voltigeaient en criant
Dans des hêtres couleur garance ;
Sur les champs, livre brun que le soc a réglé,