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incidens une vaste portée, et que cette situation est déterminée par deux pôles : ici la question romaine, la question de la séparation des pouvoirs spirituel et temporel ; là l’éclatant triomphe et l’irrésistible essor de la démocratie libérale aux États-Unis. C’est entre ces deux grands faits, la rupture des liens qui ont uni la religion au despotisme et l’élévation croissante du type de la démocratie libérale aux États-Unis, que vont se dérouler les variations de l’histoire politique contemporaine.

Avec une impartialité à laquelle nos lecteurs, nous en sommes sûrs, rendent justice, nous n’avions point hésité à louer les résolutions d’économie que l’on prêtait depuis quelque temps à notre gouvernement On devait opérer des réductions sur le budget de la guerre, sur le budget de la marine, sur le budget même du ministère des finances. Nous accueillîmes ces bruits heureux avec une sincère joie. Nous crûmes toucher à l’Inauguration d’une politique financière systématique qui élèverait nos revenus ordinaires au-dessus des dépenses ordinaires, qui se ménagerait chaque année un excédant disponible, et, à l’aide des excédans annuels, rendrait au crédit public le concours de l’amortissement, ou tenterait des expériences fécondes sur la taxation. Le Moniteur, avec une bizarrerie d’humeur inconcevable, a soufflé sur ces illusions optimistes. En réalité, on estime bien que les réductions de dépenses s’élèveront à une trentaine de millions. Ce n’est pas beaucoup sans doute, mais c’est quelque chose. Ce qui aurait eu plus de valeur que la somme, c’eût été l’intention annoncée, la tendance manifestée, le principe mis en avant d’une politique nouvelle. Dans la façon même de présenter les économies, si minimes qu’elles fussent, on eût pu tenir un langage qui n’eût point été seulement habile, qui eût été utile, instructif, car il eût marqué un dessein arrêté, une pensée suivie. Jamais, au contraire, mise en scène n’a été plus malencontreuse. Vous ne les aurez pas de si tôt, vos réductions de dépenses, avait d’abord l’air de dire le journal officiel. Le lendemain cependant, le même journal publiait le décret du 15 novembre. — Ne vous hâtez pas de triompher, reprenait-il un autre jour ; vos économies sur l’armée ne monteront pas à la somme que vous pensez : ce sera tout au plus 10 ou 12 millions en 1867. Cette allure de polémique et ce système de commentaires atténuatifs ont compromis l’effet moral des mesures financières. Le public, qui, par le temps qui court, est complètement dénué d’enthousiasme, a pris volontiers au mot la leçon réfrigérante qu’on lui donnait. Vous voulez que ce soit peu de chose ? a-t-il eu l’air de dire. Soit, je ne veux point vous contrarier ; n’y pensons plus. Sérieusement, il est regrettable que ces réductions financières n’aient point été présentées au public dans un travail général qui en eût fait comprendre l’ensemble, l’importance et les conséquences. Exposées de la sorte, elles auraient pu avoir une double influence au dedans et au dehors : au dedans, elles eussent intéressé l’opinion publique au développement d’une politique économique dont le