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Adam. La théologie chrétienne est un enchaînement : nier la chute, n’est-ce point nier la rédemption ? Les unitairiens ne croient point en effet à la divinité de Jésus-Christ. Pour eux, c’est le plus parfait modèle sur lequel se soit imprimée l’idée de Dieu, mais « il était constitué en tout comme les autres hommes. » Sa mort n’a point été un sacrifice offert en expiation pour nos péchés, c’est le martyre d’un juste pour la défense de la vérité. Aussi évitent-ils de s’adresser à lui dans leurs invocations. Tout ce qu’ils demandent d’ailleurs à Dieu, c’est la lumière qui éclaire les âmes. En pratique, ils font consister le bonheur dans l’observation des devoirs de la vie ; l’homme est justifié par ses œuvres et par sa conscience. Le dogme de l’immortalité est maintenu ; seulement on laisse entrevoir, dans un avenir entrecoupé d’ombres et de clartés, une justice miséricordieuse. Quelques-uns des orateurs dans les discours desquels je pus saisir les principaux traits du système étaient à coup sûr éloquens, et parmi eux je remarquai surtout un jeune docteur de Cambridge qui, le jour de Pâques, fit un sermon sur les progrès de la science. D’après ce que j’ai vu, l’unitairianisme est plutôt une philosophie qu’une religion ; il tient pourtant encore à se rattacher aux formes chrétiennes. Les services s’y célèbrent à peu près comme dans les autres chapelles dissidentes, et le livre d’hymnes, composé d’extraits de Byron, de Coleridge, de Cowper, indique, après tout, la trace d’un culte poétique. L’auditoire est généralement peu nombreux et, ce qui me frappa surtout, presque entièrement composé de gens du monde. Cette doctrine, qui s’est implantée si profondément en Amérique, n’a jeté jusqu’ici que de faibles racines dans la classe ouvrière de Londres.

Les chapelles ne sont pas en Angleterre les seuls rendez-vous des diverses sectes religieuses. Les théâtres, les salles de natation, swimming baths, et bien d’autres édifices se convertissent le dimanche en autant d’endroits consacrés au culte. Est-il d’ailleurs besoin d’un monument bâti par la main de l’homme ? Non vraiment. Certains meetings religieux se tiennent volontiers en plein air. Je me souviens d’avoir rencontré un jour de printemps, au milieu de la campagne et sous une haie en fleur, un couple amoureux qui célébrait le dimanche à sa manière. Le jeune homme lisait et commentait la Bible, la jeune fille écoutait ; il était le ministre et elle était l’auditoire. Mais ce n’est point précisément de ce culte à deux que je veux parler. Lors du great revival movement (mouvement de renaissance religieuse) qui eut lieu à Londres il y a quelques années, Hyde-Park fut envahi par les services, le chant des hymnes et les sermons. Aujourd’hui encore, pendant l’été, on y rencontre le dimanche une nombreuse tribu de prêcheurs en plein vent. Il