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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/879

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les Fraxinenses, qui ravageaient la province de Numidie, et dont le très fameux chef a été fait prisonnier[1]. » Faraxen, Fraxinenses, comment ne pas songer, à propos de ces noms, à celui des Aït-Fraoucen, une des grandes tribus actuelles du massif djurdjurien ? Les épigraphes d’ailleurs désignent comme alliés des Fraxinenses les Baouares et les Quintaniens. Que peuvent être ces Quintaniens, sinon le peuple qui avait pour capitale cette cité de Quintas placée par l’anonyme de Ravenne en plein Mons-Ferratus ? L’assimilation naturelle des Quintaniens avec les Quinquegentiens, des Baouares avec les habitans des Babors, la proximité de leurs montagnes et de la montagne actuelle des Aït-Fraoucen, n’autorisent-elles pas à supposer que ce sont les Fraoucen d’alors qui, en 261, ont envahi le territoire provincial, ravagé la Numidie, et perdu au milieu des combats leur chef, personnifiant dans son nom de Faraxen le nom même de sa tribu ?

Par une coïncidence curieuse, l’histoire signale, vers la date que portent ces inscriptions, une descente des Francs sur les rives d’Afrique ; mais toute combinaison fondée sur la ressemblance des noms de Francs et de Fraoucen et sur une prétendue tradition kabyle qui prête vaguement aux Aït-Fraoucen une origine française, ne serait rien moins que hasardée. Nous avons hâte au reste d’arriver à la période la plus sérieuse de cette histoire : aussitôt que les chroniques latines parlent des Quinquegentiens, c’est pour mentionner « leurs violentes agitations[2], » qui amènent, en 297, à la tête de l’armée Maximien-Hercule, l’associé au trône de Dioclétien.

« Les Quinquegentiens infestaient l’Afrique… ; l’empereur Maximien les défit et les réduisit à accepter la paix, » c’est là tout le récit d’Eutrope. Le panégyriste de Maximien insiste davantage sur la nature des peuples qu’il eut à vaincre et sur le châtiment infligé aux vaincus. « Les peuples les plus sauvages de la Mauritanie, dit-il, ceux qui se fiaient sur les hauteurs inaccessibles de leurs montagnes et les fortifications naturelles de leur pays, tu les a battus, soumis, transportés[3]. » Tu les as transportés, transtulisti ! L’allégation est grave, et cependant l’écho s’en retrouve après bien des siècles dans cette légende des Zouaouas, la seule peut-être qui soit une légende vraiment nationale : « Jadis, il y a bien longtemps, la prospérité croissante des montagnards vint à porter ombrage au souverain d’alentour, qui résolut de les transporter dans le Sahara. Déjà cette mesure avait frappé quelques tribus, et le tour des habitans du Djurdjura était arrivé quand la Terre éleva elle-même la

  1. Voyez les Inscriptions romaines de l’Algérie, de M. Léon Renier.
  2. Aurelius Victor, les Césars, ch. 39.
  3. Voyez, dans les Panegyrici veteres, le second panégyrique de Maximien-Hercale par Claude Mamertin.