Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/888

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans cette énumération, une place revient, et une place sérieuse, aux prœsidiarii[1], protecteurs des postes avancés et des terrains assignés aux soldats-frontières pour leur subsistance, car, sans contredit, le principal système de défense adopté par les Romains consistait dans la création d’une colonisation militaire spéciale aux frontières. Rome avait coutume d’établir sur les cantons-limites de ses provinces des soldats à qui elle donnait de la terre, et qui, outre les barbares à repousser, avaient les remparts et fossés d’un fort à entretenir ; ils étaient pour cela exempts d’impôts sur leurs petits domaines. L’Afrique reçut, comme le reste de l’empire, de ces sentinelles avancées de la colonisation connues dans les auteurs sous le nom de soldats-frontières (milites limilanei). Chaque canton-frontière était commandé par un chef appelé prœpositus (préposé), et les empereurs regardaient le rôle des prœpositi comme important tellement au repos de l’état que le code théodosien contient nombre de rescrits sur les devoirs qui leur étaient imposés et les rigueurs qui en punissaient l’infraction. Or la Montagne-de-Fer se trouvait enveloppée de quatre de ces cantons, et quelques données géographiques viendront ici remplir utilement les lacunes de l’histoire ou en éclaircir les obscurités.

Les quatre cantons militaires qui enserraient le Djurdjura étaient : au sud limes Audiensis et limes Tubusubditanus avec Auzia (Aumale) et Tubusuptus (Tikla) pour capitales, — au nord limes Tangensis et limes Bidensis avec Tigisi (Taourga) et Bidil ou Bida (Djemâ-Saridj) pour chefs-lieux[2]. Le nom de limes (frontière) donné à ces cantons ne dit-il pas déjà qu’au-delà s’étendait un pays étranger et hostile à la domination romaine ? Lorsqu’en 1843 on commença à bâtir Aumale sur des ruines anciennes, les lignes des vieilles murailles restaient assez apparentes pour que le plan de la ville antique fût facile à lever ; des inscriptions locales nombreuses n’ont pas laissé douter que ces ruines ne fussent celles d’Auzia. Les recherches archéologiques ont également établi l’identité de Tubusuptus avec les ruines appelées Tikla par les Kabyles et situées sur la rive gauche de l’Oued-Sahel, à sept lieues de Bougie. Composé d’arcades en pierres de taille de 3 mètres de hauteur avec un remplissage en maçonnerie, le mur d’enceinte de Tubusuptus est en grande partie debout, et paraît circonscrire une surface d’environ 12 hectares. À travers les vestiges épars et monumentaux de la ville, on distingue nettement ici de vastes citernes, là les restes d’un temple dont

  1. Consulter le savant commentaire de Bocking sur la Notice des Dignités de l’empire d’Orient et d’Occident, t. II, p. 768 et suiv.
  2. Notice des Dignités de l’empire, t. II, p. 77 et 87. La carte peutingérienne donne Syda pour synonyme à Bidil ou Bida.