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avant mardi ? Il y aura ce jour-là un grand meeting de la commission sanitaire auquel assisteront tous les hommes distingués de Boston, M. Everett en tête. Le gouverneur Andrew présidera. » Alléché par cette promesse, je cours hier soir au Tremont-Temple, incertain d’y trouver place. D’abord la grande hall était à peu près vide : j’y trouvai tout au plus un ou deux mille personnes. L’organiste nous servait l’introduction obligée de tous les meetings, le chœur de Judas Machabée, car Boston est une ville artiste, où la musique est en honneur. Bientôt les dignitaires débouchent sur la plate-forme déserte, — une vingtaine de figures ennuyées et frileuses, enveloppées dans leurs manteaux, qui viennent occuper le dernier rang des gradins. Point d’Everett, point d’Andrew. M. Quincy présente au public comme président M. Charles Loring, qui ouvre la séance par un discours correct, sympathique, facile. Après lui, M. Dana se lève et avec plus de froideur encore entonne à peu près la même antienne. Pour varier un peu le thème, il entreprend de prouver doctement comme quoi l’institution fait plus de bien que le gouvernement n’en pourrait faire, et passe une demi-heure à terrasser l’objection que personne ne lui faisait. Puis un petit jeune homme monte à la tribune, un cahier à la main, pour expliquer les détails de l’administration dont il est l’agent. Je me suis tenu pour satisfait, et j’ai gagné la porte, ayant appris que la commission sanitaire fournissait des soins, des vivres, un abri aux soldats malades ou blessés, qu’elle leur envoyait des provisions au camp, et tenait régulièrement de gros livres de comptes-rendus statistiques où la médecine et l’administration pouvaient puiser des renseignemens précieux[1]. J’avais entendu dire aussi que c’était le génie des institutions américaines qui voulait que ces œuvres de bienfaisance fussent librement entreprises en dehors du gouvernement, et que c’était la gloire du peuple américain que cette spontanéité à concevoir et à organiser les choses utiles : leçon que je savais d’avance et que j’aurais pu réciter tout seul…

Il y a longtemps que je ne vous ai parlé de la guerre. Sherman était dernièrement près de Savannah, après avoir fait tomber Augusta, Macon, Milledgeville, et achevé une campagne hardie qui rompt avec les lenteurs accoutumées de la stratégie américaine. Les journaux de Richmond annoncent qu’il est près de la mer (ils ne veulent pas dire où), en face d’une armée confédérée et sur le point de combattre. Voilà donc la confédération coupée en deux. Malgré l’incertitude des bruits qui courent, j’augure bien de cette campagne, et voici pourquoi : l’armée de Sherman est une armée

  1. Voyez, sur la commission sanitaire, la Revue du 15 août 1865.