Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/1012

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à Hidalgo. Il était urgent que la grande assemblée de Vittoria, interrompue violemment, reprît son cours, puisque les représentans de toutes les villes du Tamaulipas étaient réunis.

Notre mouvement rétrograde commença donc ; mais, à l’imitation des Arabes, les guérillas, qui se dispersent devant le moindre mouvement offensif, excellent dans l’art de harceler l’ennemi qui se retire. Sur tout le parcours, à travers les arbres, on essuya une série de coups de feu laissés sans réponse, et à chaque pas les buissons s’illuminaient. Nos éclaireurs, se faisant jour à travers les halliers, tenaient parfois les guérillas à distance et parfois les surprenaient d’un coup de baïonnette : on ne pouvait d’ailleurs avancer que lentement à cause du transport des blessés. Un soir, à quinze cents mètres de notre bivouac, les guérillas, se croyant à l’abri, campèrent sur l’autre rive du fleuve dans un grand rancho. Leur bande était forte ; tous les chevaux sellés étaient attachés autour des cuisines allumées en plein vent. A la nuit, nos deux canons rayés furent silencieusement portés à bras et mis en position. Quatre obus lancés coup sur coup et placés comme avec la main éclatèrent en plein dans le cercle, et firent voltiger marmites, bras et jambes. Les chevaux affolés s’échappèrent, et plusieurs vinrent même se joindre à nos montures ; mais le lendemain les guérillas s’empressèrent de prendre une revanche. A la rentrée dans l’hacienda de Santa-Engracias, notre tête de colonne tomba dans une embuscade au passage d’une barranca qui ne pouvait se tourner, et deux de nos contre-guérillas furent grièvement touchés. C’était d’ailleurs sur le territoire des frères La Garza, presque à leur porte : le colonel Rafael La Garza fait prisonnier quinze jours auparavant, malgré sa parole, ne s’était pas présenté aux autorités. Un espion révéla que Mendez avait encore dîné la veille avec les deux frères, qu’il avait passé la nuit chez eux et disposé lui-même l’embuscade qui eût tué plusieurs notables, si les meurtriers embusqués avaient fait preuve d’un plus grand sang-froid. On s’assura de la personne des deux frères : la lettre confiée la semaine précédente à l’honneur de Rafael avait été communiquée à Mendez ; elle fut représentée grossièrement recachetée. Les La Garza furent emmenés prisonniers et internés provisoirement à Vittoria.

Le parcours de Santa-Engracias à Vittoria était funèbre. Une file de cadavres pendus par ordre de Mendez s’agitaient au souffle de la brise ; un soleil ardent avait saisi et desséché ces corps dépouillés de leurs vêtemens. Pendant cette dernière marche, notre avant-garde rencontra au milieu de la route une tombe fraîchement remuée que surmontait une croix décorée de l’inscription : « mort aux assassins français ! » Un des contre-guérillas arracha violemment la