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éclata au loin, puis tout redevint silencieux ; Giovanetti n’avait pas reparu. Une seconde colonne légère partit de nuit de Vittoria ; sa mission était de marcher à la rencontre des deux premiers détachemens mis en route la veille et de leur prêter appui, si besoin était. Dans ce trajet était un point nommé Hilladero (fourré) : c’est la partie la plus boisée de la forêt, formant une espèce d’entonnoir coupé par un ravin, avec pentes assez rapides à la montée comme à la descente. La route encaissée, large à peine de cinq mètres, était ombragée de futaies entremêlées de buissons épineux. Vers sept heures du matin, les deux troupes de contre-guérillas s’y rencontrèrent. A ce moment même, une effroyable fusillade s’ouvrit sur toute la ligne ; quatre mines fortement chargées de pierres, de madriers et de terre, éclatèrent successivement sous nos pas. Le convoi fut entouré en tête, en queue et sur les deux flancs, au bruit de clairons mexicains sonnant la charge et de cris sauvages sortant des bois. Au-dessus de ma tête, à quinze mètres du sol, au bout d’une branche décharnée d’un cèdre majestueux était pendu par une jambe le cadavre de Giovanetti, nu, criblé de balles et de coups de couteau, le cœur arraché hors de la poitrine ; au-dessous de son visage était attaché son chien. L’attaque devint alors acharnée ; les bœufs, effrayés par les explosions des mines, refusaient de traîner les charrettes à roues massives chargées de maïs. Les contre-guérillas eurent bientôt franchi les barricades et poussèrent trois fois la charge dans les broussailles. Après une heure de lutte, le terrain restait à la contre-guérilla victorieuse, qui ramenait ses morts et ses blessés à Vittoria. L’ennemi avait abandonné sans sépulture plus de cinquante victimes.

Le 7 janvier 1865, la contre-guérilla fit ses adieux à Vittoria après avoir remis la ville, ses canons rayés et son parc de munitions au colonel Balderas, gouverneur provisoire ; puis elle évacua le Tamaulipas sans essuyer un coup de fusil jusqu’à sa rentrée dans Tampico. A peine le départ des Français, dont la nouvelle se propagea comme un éclair dans toute la province, fut-il connu, que la ville de Linarès, pour prix de l’appui qu’elle avait offert à la contre-guérilla, fut mise à feu et à sang par Mendez. Garbajal, se mettant à la même heure à la tête de l’insurrection, leva de nouveau l’étendard républicain.

Le 24 mars 1865, le général Cortina trahissait l’empire ; mais, avant de se prononcer, il avait eu le soin de faciliter la grande levée de boucliers de Garbajal, que le colonel Larumbide à son tour laissait ouvertement échapper au moment où les Français allaient s’emparer de sa personne. Le bandit Mendez s’emparait de Vittoria et des canons rayés qu’y laissait le colonel Balderas, mis en fuite.