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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/1052

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frayeur du croquemitaine jésuitique ; ce sont les jésuites qui ont fait l’éducation des générations du XVIIIe siècle, et l’on ne voit pas ce qu’ils y ont gagné. Quoi qu’il en soit, il n’est pas moins surprenant que la rue des Postes ait fourni l’an passé à Saint-Cyr soixante-quatre candidats, jeunes aspirans au bâton de maréchal de France. L’honorable sénateur à qui nous devons cette information, exalté par de tels succès, a lancé contre notre Université d’injustes censures, qui ont été d’ailleurs très vigoureusement et très honnêtement réfutées par M. Rouland.

La question d’Italie et de Rome a donné lieu aussi à d’excentriques sorties. On a pu remarquer sur ce point que la ferveur des défenseurs laïques de la papauté temporelle a dépassé le zèle du banc des cardinaux. Un orateur, M. de Ségur d’Aguesseau, n’a point hésité à demander que la France, en quittant Rome, fît restituer au saint-siège la portion des états de l’église qui s’est annexée au royaume d’Italie. D’autres voudraient que la France s’engageât à maintenir pour l’éternité ce qui reste de pouvoir temporel. Le président Bonjean, qu’anime le souffle des vieilles traditions de notre magistrature, a protesté avec énergie contre ces exagérations cléricales. Le ministre d’état, M. Rouher, visiblement affligé par ces divagations, y a mis fin en ramenant la question à ses termes pratiques. — La convention du 15 septembre est un contrat politique et ne peut s’élever à la sphère où s’agitent les prétentions dogmatiques et religieuses. Politiquement cette convention a défini deux souverainetés territoriales qui se trouvent en présence l’une de l’autre, celle de l’Italie et celle du patrimoine de saint Pierre. L’Italie s’est engagée vis à vis de la France à ne point faire sur la cour de Rome la conquête du patrimoine ; voilà tout. Veut-on aller plus loin, veut-on sonder l’avenir, veut-on faire sortir d’un traité des garanties éternelles : on n’aboutit qu’au contradictoire et à l’absurde. La France et l’Italie ne peuvent que répondre d’elles-mêmes, elles ne peuvent écarter des chances de ruine auxquelles le pouvoir temporel demeure soumis, comme tous les pouvoirs humains, que celle qui résulterait d’une agression du royaume italien. Ni la France ni l’Italie n’ont le droit et le pouvoir d’assurer le gouvernement du saint-siège contre ses propres fautes et d’aliéner à perpétuité les droits des populations romaines. C’est pour prévenir les chances défavorables de l’avenir que M. Rouher fait appel à une disposition qui ne supprime point les difficultés et les chocs inévitables, mais qui peut les atténuer et les ajourner, l’esprit de conciliation. Quant à ceux qui prennent plaisir à soulever les hypothèses extrêmes et à réclamer des engagemens absolus, il n’y a qu’une réponse à leur faire ; cette réponse leur a été faite deux fois, par M. Drouyn de Lhuys et par le général de La Marmora. Chose curieuse, nos cléricaux n’ont trouvé d’autre organe pour leurs prétentions romaines dans la politique européenne que la diplomatie espagnole, et c’est cette diplomatie qui s’est attiré la double réplique à laquelle nous faisons allusion ! « Si le pape, disait M. Drouyn de Lhuys au ministre espagnol d’après