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diocres. On serait en vérité bien avancé si, au risque de prolonger la crise financière au point de la rendre incurable, on se donnait le passe-temps de renverser le général La Marmoral Nous savons ce qu’on reproche au brave général, nous savons que la dépêche de M. de Malaret, du 2 janvier, publiée dans notre livre bleu, a péniblement affecté les Italiens, et leur a donné l’idée que les droits des Romains étaient abandonnés sans réserve par leur ministre. Cette impression nous paraît fausse et puérile : elle est démentie du côté de la France par les paroles de M. Drouyn de Lhuys citées par nous tout à l’heure ; elle est démentie, pour ce qui regarde le gouvernement italien, par la récente dépêche du général de La Marmora à l’Espagne, dont nous avons reproduit aussi la déclaration la plus significative. Les Italiens devraient comprendre qu’il importe que le général La Marmora, qui, avec son abnégation et son patriotisme ordinaire, est venu en aide à son pays en acceptant le pouvoir au lendemain de la convention du 15 septembre, au milieu des tristes troubles de Turin, continue à les représenter devant l’Europe, dont il a l’estime, jusqu’à l’entier accomplissement du traité qui retire de Rome les troupes françaises. Si le parlement italien ne sent pas de la sorte ses devoirs envers lui-même et envers le général La Marmora, si le cabinet actuel doit tomber avec son chef, nous faisons des vœux pour que le pouvoir soit donné au général Cialdini, à un homme de sens et d’énergie dont la mâle éloquence a révélé une véritable supériorité intellectuelle.

Bien que le gouvernement espagnol ait reconnu l’Italie, on a vu par les extraits de sa correspondance diplomatique qui ont été publiés qu’il ne s’est point fait faute de chercher à susciter des embarras au cabinet de Florence au moment même où il renouait officiellement avec ce cabinet les bons rapports. Voilà un nouvel encouragement au panlatinisme, un nouveau trait de la touchante sympathie qui unit les diverses familles de la race latine ! Il ne faut pourtant point être trop sévère envers le cabinet espagnol. On fait ce qu’on peut. La reconnaissance de l’Italie a été de la part du maréchal O’Donnell un acte de hardiesse, on est obligé d’en convenir après la discussion du sénat de Madrid sur le paragraphe relatif à cette reconnaissance. Le ministre des affaires étrangères a présenté de bons argumens à l’appui de la politique adoptée envers l’Italie par le cabinet. Nous avons vu avec plaisir se prononcer dans le même sens M. Llorente, qui, ministre des affaires étrangères dans les commencemens du dernier cabinet Narvaez, avait eu le mérite de pousser dans cette voie le gouvernement espagnol. Cependant le paragraphe de l’adresse n’a obtenu qu’une petite majorité, et il paraît même que la majorité eût été contraire, si la reine, ayant un juste égard à la position du maréchal O’Donnell, n’eût obtenu des vingt évêques qui siègent au sénat et de plusieurs sénateurs cléricaux qu’ils ne prendraient point part au vote. Quand on connaît ces difficultés intérieures de l’Espagne, on est obligé de réclamer l’indulgence pour le maréchal O’Donnell et même de lui savoir gré de ses bonnes ten-