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D’une part, il n’était point possible de mettre les dépenses de construction à la charge du trésor, qui ne se trouvait même pas en mesure d’achever les travaux laissés à son compte par les contrats de 1842 ; d’un autre côté, puisque l’on devait avoir recours à l’industrie privée, il fallait procurer à celle-ci les moyens d’attirer les capitaux et de les obtenir à des conditions convenables. Ce fut en augmentant la durée des concessions que l’on réussit à résoudre le problème. Avec un long avenir devant elles, les compagnies pouvaient se reconstituer et s’étendre, parce que les capitaux voyaient ainsi s’accroître les chances favorables de rémunération ; elles pouvaient emprunter à des conditions plus avantageuses, parce que l’éloignement du terme assigné pour le remboursement diminuait les charges annuelles des emprunts. En donnant du temps aux compagnies, dont les concessions étaient portées à quatre-vingt-dix-neuf ans, l’état leur donnait de l’argent sans bourse délier, et jamais peut-être le proverbe anglais ne se vérifia d’une façon plus évidente, car au moyen de cette monnaie prélevée sur l’avenir le gouvernement obtint du même coup la certitude que les chemins de fer antérieurement concédés seraient construits, la décharge à peu près complète des engagemens qu’il avait contractés pour la construction partielle du réseau primitif, et enfin l’augmentation notable de ce réseau par suite des lignes nouvelles que les compagnies devaient établir. En 1851, le nombre des kilomètres concédés était de 4,969 ; dès 1852, il s’élevait à 6,914 pour atteindre, en 1855, le chiffre de 11,496. Tels furent les motifs et les résultats des combinaisons consacrées par la législation de 1852.

Cet accroissement du réseau était loin de suffire aux demandes qui se produisaient chaque jour et qui se montraient d’autant plus ardentes que chaque jour aussi les avantages procurés par l’établissement des chemins de fer étaient plus sensibles pour les régions traversées. Le gouvernement pouvait favoriser la formation de nouvelles compagnies ; mais ce procédé, qui à première vue semblait le plus simple, donnait prise à de sérieuses objections. Les compagnies nouvelles qui étaient prêtes à s’organiser comprenaient dans leurs demandes de concessions un certain nombre de lignes qui, sur une portion de leur parcours, auraient fait double emploi avec les lignes existantes, et dont la concurrence aurait compromis les anciennes compagnies ; or, après avoir reconnu la nécessité de soutenir les capitaux déjà engagés dans les chemins de fer, il était évidemment illogique de les menacer d’une concurrence qui aurait tout remis en question. D’ailleurs, à supposer que les compagnies nouvelles, si empressées à profiter de la faveur qui était revenue aux entreprises de voies ferrées, fussent réellement en mesure d’exécuter les concessions qu’elles sollicitaient, il y avait à craindre