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maximum de tarif pour chaque catégorie de transports ; il exerce sur les entreprises un contrôle incessant. Si les compagnies ont besoin de recourir au crédit, l’état limite leurs demandes, afin que le marché financier n’en soit pas affecté : toute mesure intéressant le public doit être homologuée par le gouvernement ; enfin, tandis que les compagnies demeurent seules passibles des pertes de l’exploitation, l’état, à une période qui n’est pas éloignée, aura le droit départager les bénéfices qui excéderaient un certain taux. Voilà en quoi consiste le monopole accordé aux concessionnaires de chemins de fer ! Il faut convenir qu’un tel monopole serait au moins très inoffensif. Quel est donc, au vrai, le caractère des concessions au moyen desquelles ont été construites et sont exploitées les voies ferrées ? Il y a là tout simplement une série de contrats qui ont été débattus de part et d’autre, que le gouvernement a acceptés, qu’il a même quelquefois imposés, contrats dont chacun a toujours le droit d’apprécier les clauses, mais qu’il n’est plus permis, en bonne justice, de reprocher aux concessionnaires, c’est-à-dire aux capitaux qui se sont engagés à les exécuter avec les garanties comme avec les restrictions qu’ils contiennent. Et quel est de fait le rôle actuel d’une compagnie de chemin de fer, sinon celui d’une grande régie qui exécute un service public à ses risques, périls et profits, sous la surveillance permanente de l’état, dont la responsabilité financière est soigneusement limitée ? Ajoutons que cette compagnie, purement usufruitière de la chose qu’elle a créée, est tenue de l’entretenir pour la livrer un jour à l’état et l’ajouter ainsi à la fortune publique. De là au monopole il y a loin.

Certes il eût mieux valu, pour l’honneur des principes, que l’on n’eût pas été obligé d’employer ces expédiens compliqués et contestés pour exécuter le réseau des chemins de fer, et que ce réseau fût sorti tout entier de l’initiative et des ressources de la liberté. Cependant il eût fallu d’abord convertir le capital ; or le capital, qui a par-dessus tout l’instinct de la conservation, se soucie médiocrement des principes et ne considère que l’intérêt. C’est donc comme une question pratique de capital et d’intérêt, et non comme une question de principes, qu’il faut envisager la grande affaire des voies ferrées, sans se laisser arrêter par des regrets rétrospectifs ni par des considérations théoriques qui ne peuvent rien sur le passé et qui risqueraient de retarder l’achèvement de l’œuvre. Contre ces critiques, vaines ou dangereuses, le gouvernement et les compagnies se défendent éloquemment en montrant ce qu’ils ont accompli de concert, et sauf quelques erreurs de détail, que l’expérience a révélées, nous n’apercevons pas qu’il eût été possible d’employer, pour l’établissement de 13,000 kilomètres aujourd’hui livrés à la circulation, un système plus expéditif que celui qui a été