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signifier par écrit au comité de la majorité qu’elle n’approuve point l’instruction donnée, et qu’elle a choisi trois syndics ou commissaires pour élever une autre école. Du moment que la minorité réunit vingt enfans en âge de fréquenter les classes, c’est-à-dire entre cinq et quinze ans, elle constitue un district scolaire. Elle a droit à un subside proportionnel, et les syndics élus lèvent directement la taxe par tête d’enfant et la cotisation sur la propriété de leurs électeurs, qui sont alors dispensés de payer entre les mains du comité de la majorité. Ce système offre des inconvéniens manifestes. Il éparpille singulièrement les ressources, et il sacrifie les droits des dissidens dispersés. Il ressemble à celui qui était en vigueur en Australie et auquel on a renoncé au grand avantage des contribuables et de l’enseignement.

Dans le Bas-Canada comme dans le Haut-Canada, on a bien compris que le point capital, sans lequel rien n’est fait, est de former de bons maîtres. Trois écoles normales ont été organisées : l’une à Montréal, celle de Mac-Gill, anglaise et protestante ; une seconde, aussi à Montréal, française et catholique, portant le nom de l’intrépide navigateur qui découvrit le Canada en 1534, Jacques Cartier ; enfin une troisième à Québec, aussi française et catholique, celle de Laval. La création et l’entretien de trois établissemens au lieu d’un seul entraînent une plus grande dépense, mais ils offrent l’avantage d’attirer un plus grand nombre d’élèves et de répandre les bonnes méthodes d’enseignement dans les différentes parties du peuple. Depuis leur ouverture, en 1850, jusqu’en 1864, ces établissemens ont été fréquentés par 1,557 élèves, dont 575 ont obtenu un diplôme. Ce dernier chiffre ferait supposer peu d’aptitude chez les candidats ou beaucoup de sévérité chez les examinateurs. Sous l’influence active et éclairée du surintendant actuel de l’enseignement public, M. O.-P. Chauveau[1], des mesures excellentes ont été adoptées pour stimuler le zèle et favoriser l’instruction des instituteurs. On a organisé des associations et des conférences où ils se réunissent de temps à autre pour discuter des questions pédagogiques et pour s’initier aux nouvelles méthodes. Ils y présentent des travaux écrits qui sont soumis à une discussion publique et dont

  1. On ne peut assez louer le dévouement de ces hommes à qui tout un peuple doit les moyens de s’instruire. M. Chauveau a été pendant treize ans député de Québec et pendant deux ans secrétaire provincial, c’est-à-dire ministre de l’intérieur. Orateur éloquent et jurisconsulte distingué, il a renoncé et au barreau et à la vie parlementaire pour se consacrer entièrement à son œuvre civilisatrice, l’organisation de l’enseignement primaire. M. Alphonse Le Roy, professeur à l’université de Liège, a bien fait ressortir tous les services rendus par cet homme de bien dans un travail intéressant publié en France il y a quelques années.