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au Mexique d’un cœur d’autant plus libre que c’est sur des intérêts français et des raisons d’état françaises que s’appuie la nécessité de cette solution. Quand ces intérêts seraient seuls en jeu, le moment serait venu de renoncer à une expérience dont les charges actuelles sont accablantes pour nous, et à laquelle il n’est pas possible d’assigner une autre issue prochaine et satisfaisante. La question d’honneur national est donc dégagée du débat. Notre politique a commis une faute, et qu’y a-t-il de plus honorable à la fois et de plus sensé que de reconnaître une faute commise et de prendre la résolution de n’y point persévérer ? Il est certain qu’il y a bien peu de gens dans le monde officiel, supposé même qu’il s’en trouve, qui pensent qu’il y aura encore une armée française au Mexique dans deux ans ; il est certain qu’un des organes les plus écoutés de la majorité ne supposait même pas, au commencement de l’avant-dernière session, quand il écrivit son fameux rapport sur les crédits supplémentaires, que nous aurions encore là-bas 25 ou 30,000 hommes à la fin de 1865, et que son impatience, comme celle de ses amis, ne peut qu’avoir été accrue par cette attente ; il est certain enfin que la présentation d’un nouvel emprunt mexicain n’est plus possible. Le terme de notre intervention approche donc visiblement, et personne n’a le droit d’intéresser notre honneur à l’ajourner encore. Nous n’avons évidemment contracté aucun devoir de ce genre envers l’empereur Maximilien. Il lui a plu de tenter une aventure où la France s’était engagée ; mais la France n’a pu contracter le devoir de lui prêter indéfiniment 30,000 de ses meilleurs soldats : on ne lui a accordé qu’un concours limité au délai d’une expérience temporaire ; cette expérience dure depuis deux ans, admettons, si l’on veut, qu’elle soit prolongée d’une année encore : qu’est-ce que ce prince peut exiger de plus ? Si au bout de ce temps il ne se croyait point en état de voler de ses propres ailes, cela le regarderait, et nous n’y pourrions rien. Son échec serait encore bien moins coûteux pour lui qu’il ne l’aurait été pour la France.

Ceci posé, nous sommes à l’aise pour parler de l’influence que notre présence au Mexique peut exercer sur nos rapports avec les États-Unis. Nous ne serons contredits par personne dans notre pays, si nous affirmons qu’aucun Français n’a l’idée qu’il valût la peine de fonder un empire mexicain protégé par nous, si nous devions, à ce prix, créer entre les États-Unis et nous une cause durable de défiance et d’antagonisme. Il est également certain qu’aux États-Unis aucun homme sensé ne croit à la possibilité de fonder au Mexique une monarchie même étayée par une intervention européenne. Entre deux nations qui entretiennent de pareils sentimens et de pareilles idées, la question mexicaine ne peut faire naitre aucune cause naturelle et nécessaire d’hostilité. Il faudrait, pour qu’il en fût autrement, que par une désastreuse maladresse on se laissât éloigner du fond même des choses et qu’on fît dévier étrangement les questions. Il ne nous est pas malheureusement permis de regarder de telles déviations comme tout à