d’affaire, et par exemple pour les décors, les fîgurans, toute la partie mécanique, ils s’arrangent comme ils peuvent à l’Opéra ; les figurantes ont 250 ou 300 francs pour la saison, qui dure deux mois et demi ; elles se fournissent de bas et de chaussures, on leur donne le reste ; la plupart sont des grisettes. Au reste, figurans et figurantes sont difficiles à manœuvrer ; on les met à l’amende pour un retard ou pour toute autre raison, ils vous plantent là ; leur emploi au théâtre n’est qu’un surcroît de gain, ils vivent d’ailleurs ; tel ouvrier maçon, le soir mousquetaire ou druide, arrive à la répétition avec son pantalon de travail encore blanchi au genou. Il faut une grande capitale et une grande dépense d’argent pour huiler les rouages d’un théâtre moderne : ceux-ci grincent parfois et se détraquent, on s’en aperçoit aux représentations. Pareillement il faut une centralisation et une vie nationale complète pour fournir des idées théâtrales ; on traduit ici nos pièces. Je viens d’écouter l’opéra de Faust, la prima donna est une Française. Au théâtre Nicolini, on joue Montjoie d’Octave Feuillet, et pour le rendre plus intelligible on l’intitule Montjoie o l’Egoïsta. Un autre jour c’est la Gelosia, Othello arrangé en mélodrame bourgeois ; impossible de rester, je suis parti au troisième acte. — Il se produit quelques romans, Uno Prode d’Italia, Pasquale Paoli, grandes machines historiques à la façon de Walter Scott, écrites en style déclamatoire avec force allusions au temps présent. Un savant de mes amis reconnaît qu’en ce moment la littérature est médiocre en Italie ; la politique prend pour elle toute la sève de l’arbre, les autres branches avortent. En fait d’histoire, rien que des monographies. Les écrivains ressemblent à des provinciaux maintenus par l’éloignement à trente ans en arrière de la capitale ; il faudra beaucoup de temps pour que le style net, précis, attaché aux faits, exempt de phrases, s’acclimate ici. Ils n’ont pas même de langue arrêtée ; les Italiens nés hors de la Toscane sont obligés d’y venir, comme Alfieri, pour corriger leur dialecte. En outre Italiens et Toscans, tous sont tenus d’éviter les tours français, si contraires au génie de leur langue, de les désapprendre à grand’peine, de s’en purger la mémoire. Or c’est la France qui, depuis cent cinquante ans, fournit des livres et des idées à l’Italie ; jugez de la difficulté ! Là-dessus, beaucoup d’écrivains tombent dans le pédantisme et la superstition classiques : ils se nourrissent des bons auteurs du XVIe siècle, remontent plus haut, en puristes, jusqu’au XIVe ; mais comment exprimer les idées modernes dans la langue de Froissard, ou même dans celle d’Amyot ? Les voilà contraints de plaquer sur leur style antique une quantité de mots contemporains ; ces disparates les désolent, et ils ne marchent que les entraves aux pieds, empêtrés par le souvenir des tours autorisés et du vocabulaire correct. Un
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