12 avril. — Le XVe siècle.
Ce qu’il y eut de peintres de cette école et de ce talent est surprenant ; on en a compté une centaine, Angiolo Gaddi, Giovanni de Melano, Jacopo de Casentino, Buffalmaco, Pietro Laurati, et tous ceux que j’ai vus à Sienne ; les Uffizi et l’Académie en ont des spécimens : point d’ombres portées, point de gradations d’une teinte à l’autre, point de relief, la perspective et l’anatomie insuffisantes, voilà ce qui leur est commun à tous. De 1300 à 1400, aucun progrès sensible ; même au dire de Sacchetti le conteur, Taddeo Gaddi, l’un des meilleurs entre ces peintres, jugeait que l’art avait baissé et allait baissant tous les jours. Du moins la noble recherche des formes idéales s’amoindrissait pour faire place à l’imitation intéressante de la vie réelle, et de Giotto à Orcagna, comme de Dante à Boccace, l’esprit tombait du ciel à la terre. Et justement, grâce à cette chute, un autre art se préparait. « Considérant le temps présent, dit Sacchetti, et la condition de la vie humaine, qui est souvent visitée de maladies pestilentielles et de morts imprévues, et voyant quelles grandes destructions, quelles grandes guerres civiles et étrangères s’y acclimatent, et pensant combien de peuples et de familles sont tombés ainsi dans la pauvreté et le malheur, et avec quelle sueur amère il faut qu’ils supportent la misère dont leur vie est traversée, et encore en représentant combien les gens sont curieux de choses nouvelles, principalement de ces sortes de lectures qui sont faciles à comprendre, et particulièrement quand elles donnent du réconfort, en sorte qu’un peu de rire se mêle à tant de douleurs,… moi, Franco Sacchetti, Florentin, je me suis proposé d’écrire ces contes. » Tel est en effet le vaste changement qui s’accomplit alors dans l’esprit public ; les terribles haines municipales ont fait tant de mal que l’antique énergie républicaine s’est détendue. Après tant de ravages, on aspire au repos. De la sobriété et du sérieux antique, on passe à la recherche du luxe et au goût du plaisir. La classe guerrière des grands nobles a été chassée, et la classe énergique des petits artisans écrasée. Des bourgeois vont régner, et régner tranquillement. Comme les Médicis leurs chefs, ils fabriquent, commercent, font la banque, et gagnent de l’argent pour le dépenser en gens d’esprit. Les soucis de la guerre ne les étreignent plus comme autrefois d’une prise âpre et tragique ; ils la font par les mains payées du condottiere, et ceux-ci, commerçans avisés, la réduisent à des cavalcades ; quand ils se tuent, c’est par mégarde ; l’on cite des batailles où il reste trois soldats, quelquefois un seul sur le carreau. La diplomatie remplace la force, et l’esprit s’ouvre à mesure que le caractère faiblit. Par cet adoucissement de la guerre et par cet établissement de principats ou de tyrannies locales, il semble que