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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/38

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incessans de la consommation, et que la France, sous peine de se laisser distancer à jamais par les nations rivales, ne pouvait ajourner plus longtemps la réforme industrielle que les chemins de fer ont accomplie.

On objecte, il est vrai, que, malgré cet outillage plus économique et en dépit de cette fabrication plus étendue, le prix des choses va sans cesse croissant, et que le consommateur paie les produits plus cher ; on observe que, partout où le rail apparaît, l’enchérissement le suit ; on signale avec un véritable effroi les déplacemens de population qui enlèvent des bras aux campagnes et qui encombrent les villes. Bien souvent ces objections et ces craintes ont été exprimées et combattues. L’enchérissement dont on se plaint en l’exagérant, qu’est-ce donc, sinon la preuve certaine que la nation s’enrichit plus vite, que les denrées et les produits sont demandés par un plus grand nombre, et que les moyens de paiement se sont accrus plus rapidement que la production elle-même ? S’il ne s’agissait que d’une cherté momentanée, intermittente, on pourrait l’attribuer à un état anormal et douloureux qui aboutirait à une crise pendant laquelle tous les objets de consommation subiraient nécessairement une forte baisse, parce que les acheteurs, épuisés et ruinés, feraient défaut ; mais il n’y a ici rien de semblable. La cherté est permanente, ou, pour parler le langage commercial, les prix se soutiennent. Or, pour qu’il en soit ainsi, il faut que la nation soit devenue plus riche, et l’on peut affirmer sans statistique, sans chiffres, par la simple observation des faits, que c’est l’unique raison du phénomène qui donne lieu à tant de regrets. Si l’on décompose les élémens du prix de revient des produits, on remarque que, sauf de rares exceptions, les matières premières sont moins coûteuses que par le passé, que les procédés de fabrication, par suite de l’emploi de la vapeur et d’un outillage plus perfectionné, sont plus économiques, que le capital s’obtient plus facilement, et surtout que les frais de transport, tant pour les matières premières que pour les produits fabriqués, sont beaucoup moins élevés. Pourquoi donc l’augmentation du prix de revient dans certains cas et celle du prix vénal presque partout ? C’est que les salaires et les profits ont haussé, et cette hausse simultanée des profits et des salaires a naturellement fourni à un plus grand nombre de consommateurs les moyens d’acheter et de payer plus cher. Ce qui a été économisé sur les principaux élémens du prix de revient, et particulièrement sur les frais de transport, a tourné en accroissement de salaires et de bénéfices, c’est-à-dire en rémunération de travail. La matière s’efface devant l’intelligence, la machine marche et tourne au profit de l’homme. Voilà le motif, il n’y en a point d’autre, de