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s’arcbouter sur les côtes orientales du Groenland. Le puissant courant polaire qui descend le long de ces côtes favorise le charriage des glaces dont il empêche la fusion, tandis que le courant équatorial du gulfstream réchauffe les côtes occidentales du Spitzberg et fond les blocs que les glaciers de l’île précipitent incessamment dans la mer. Ce courant contourne le cap nord de la Norvège, pénétré dans la Mer-Blanche, longe les côtes septentrionales de la Nouvelle-Zemble, et s’étend presque jusqu’au détroit de Behring : c’est la Polynia des Russes ; mais les immenses quantités de glaces charriées par les fleuves sibériens à l’est du détroit de Kara refroidissent considérablement ce courant, déjà si éloigné de sa source, le golfe du Mexique. Ces fleuves se nomment l’Ob, le Jenissei et la Léna ; leurs bassins hydrographiques respectifs sont supérieurs à celui du Rhin. Aussi les navigateurs russes Hedenstroem, Tatarinov, Wrangel, Anjou, sont-ils d’accord avec les voyageurs sibériens Erman, de Baer et Middendorff, pour affirmer que la mer comprise entre le cap nord de la Norvège et la Nouvelle-Zemble est libre pendant une grande partie de l’année, tandis que celle de Kara, entre la Nouvelle-Zemble et la Sibérie, est presque toujours obstruée par les glaces qui descendent le cours de l’Ob et du Jenissei. C’est donc en face des côtes orientales du Spitzberg, entre cette île et la Nouvelle-Zemble, que M. Petermann voudrait qu’on essayât de parvenir au pôle. Cependant ces côtes sont aussi quelquefois bloquées par les glaces. En 1839, elles furent dégagées, et les pêcheurs norvégiens et russes y trouvèrent les phoques et les morses en abondance ; mais on m’assurait à Hammerfest la même année que ces terres avaient été inabordables pendant plusieurs étés, et que l’abondance de ces animaux provenait de ce qu’ils avaient eu le temps de se multiplier. Néanmoins il est certain qu’elles sont souvent ouvertes à la navigation, et il ne l’est pas moins qu’on n’a jamais fait de tentative sérieuse de ce côté avec de grands navires, mais seulement avec les barques de pêche des Russes et des Norvégiens, qui se livrent à leur industrie sans s’inquiéter si la mer est ouverte ou ne l’est pas dans les hautes latitudes. Deux amateurs anglais, MM. Lamont et Birbek, ont chassé les phoques et les morses sur ces mêmes côtes en 1861 et 1864 ; ils ont trouvé la mer libre et vu de loin la terre de Gillis, qui est située sous le 79° parallèle ; mais ils n’ont pas poussé au-delà. On possède encore d’autres documens. Le capitaine et hydrographe hollandais Jansen a communiqué l’été dernier à la Société géographique de Londres des renseignemens précieux. Il rappelle d’abord qu’en 1596 le célèbre Barrentz atteignit presque ; le 80e degré sur la côte orientale du Spitzberg. Un autre navigateur hollandais, le capitaine William de Vlamingh, explora ces mers en