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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/43

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sous l’égide de laquelle se propagent universellement les notions de la liberté et du travail. Avec les intérêts ainsi amalgamés et enchevêtrés, avec les affections créées par le contact, avec les sentimens réciproques d’estime et même de crainte qui circulent librement à travers toute l’Europe, la guerre n’est plus à la discrétion d’un accident qu’amène le hasard, ni du caprice ou de l’ambition des souverains. C’est l’idée de paix qui règne, à ce point que, même au lendemain du combat et dans toute l’ardeur du triomphe, elle arrête la marche du victorieux. Le mérite de cette transformation générale dans les sentimens des peuples appartient en grande partie aux voies ferrées.

Tels sont les services que nous rendent les chemins de fer, tels sont les avantages qu’ils apportent à notre génération et qu’ils promettent aux générations qui viendront après nous ; voilà leur bilan. Ils donnent le progrès en toutes choses, ils le prodiguent avec une largesse que les imaginations les plus enthousiastes ne pouvaient prévoir et que les statistiques les plus habiles seraient incapables de mesurer. Aussi s’explique-t-on la place qu’ils occupent dans nos désirs et dans nos espérances, ainsi que la vivacité des discussions qui s’agitent à leur sujet. La France est arrivée à posséder 13,000 kilomètres en pleine exploitation ; elle en aura bientôt 21,000, sans compter les chemins de fer d’intérêt local qui apparaissent à l’horizon[1]. Cette grande entreprise a-t-elle été sagement conçue et habilement menée ? Aurait-on pu avec d’autres procédés l’exécuter plus économiquement et plus vite ? Les compagnies chargées de la construction et de l’exploitation ont-elles répondu à la confiance du gouvernement et à l’attente du public ? Nous avons examiné ces différens points en exposant le système des concessions, en comparant l’exploitation du réseau français avec celle du réseau anglais, et en présentant le tableau des résultats obtenus. Nous croyons sincèrement que les milliards consacrés aux chemins de fer ont été employés avec une rare intelligence et avec d’immenses profits pour la nation. Les améliorations réalisées depuis l’origine de l’exploitation sont considérables et continues ; l’avenir doit en procurer de nouvelles. Que notre impatience soit toujours en avant de ces progrès, qu’elle les provoque, qu’elle les stimule, en exerçant un contrôle incessant et rigoureux sur les compagnies, cela est naturel et légitime, car nous y sommes tous intéressés ; mais il faut que parfois cette impatience sache se modérer, que le contrôle soit équitable, que la critique invoque de bonnes raisons et qu’elle

  1. Voyez le rapport sur le projet de loi relatif aux chemins de fer d’intérêt local, par M. le comte Le Hon, député ; 1865.