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dans les termes les plus emportés. Il écrivit à l’empereur qu’en agissant ainsi le vice-roi « lui avait fait grande honte[1]. » Il soutint d’ailleurs que, par « cette soudaine allée en Espagne, » il ferait perdre à l’empereur le pape, les Vénitiens, les autres potentats d’Italie. Il se plaignit de plus d’avoir été laissé sans argent pour payer les troupes et lever des Allemands afin de rompre les grandes menées qui commençaient à se pratiquer partout. Attaquant avec passion le vice-roi, il déclarait à l’empereur que Lannoy avait moins servi qu’entravé ses prospérités, et il ajouta : « Quand il vous plaira m’en ouyr, je vous dirai en sa présence des choses auxquelles vous connoîtrez qu’il a fallu que bien autre que lui ait mis la main à vos affaires. » Chez le marquis de Pescara, le sentiment de cette injure accrut l’irritation causée par l’oubli où étaient laissés ses éclatans services. Le comté confisqué de Carpi, demandé pour lui, ne lui avait pas même été donné par Charles-Quint, aussi lent à récompenser qu’à se résoudre. Pescara parlait tout haut et très fièrement de ses griefs. Il rendit pour ainsi dire publique la lettre qu’il écrivit à l’empereur pour se plaindre des procédés offensans du vice-roi[2] et lui faire arriver ses autres mécontentemens.

Cependant Lannoy, après avoir établi François Ier à Benisano, était parti pour Tolède afin de connaître et aussi d’éclairer les volontés de son maître. Le roi, de son côté, avait envoyé auprès de Charles-Quint le maréchal de Montmorency, chargé de sa part de lui demander trois choses : une entrevue qui servirait à aplanir en quelques instans toutes les difficultés, une trêve qui permettrait à l’archevêque d’Embrun et à Jean de Selve, premier président du parlement de Paris, munis des pouvoirs de la régente sa mère, de traiter régulièrement des conditions de la paix en Espagne, enfin un sauf-conduit pour la duchesse d’Alençon, sa sœur, dont la présence seconderait la prompte conclusion d’un accord. Charles-Quint hésita quelque temps. Sa première pensée avait été de faire enfermer le roi de France dans sa forteresse de Jativa, que rendaient inaccessible, aux environs montagneux de Valence, un double fossé et trente tours, ou de le placer dans un autre lieu non moins fort et non moins sûr, mais qui serait éloigné des bords de la mer[3]. Lannoy, qui jouissait d’une grande confiance auprès de

  1. Lettre de Charles de Bourbon à l’empereur du 12 juin 1525. — Archives impériales et royales de Vienne.
  2. Pescara le dit lui-même à l’empereur dans la lettre qu’il lui écrivit le 30 juillet. « Todo el mundo visto lo passada ha syempre creydo que yo no estuva contento…. Y mucho mas ver despues que yo screvi à V. Mad, etc… » Archives impériales et royales de Vienne.
  3. Lettre de Charles V à Lannoy, dans les manuscrits historiques du comte de Wynants, citée par M. Gachard.