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Le chancelier Gattinara soutint que l’empereur agissait avec une libérale générosité en n’exigeant aucune sorte de rançon du roi et en ne revendiquant qu’une partie de ce qui lui appartenait en France. Sans réclamer tout le royaume qui avait été donné par le pape Boniface VIII à l’empereur Albert, l’un de ses ancêtres, il aurait pu, disait-il, redemander le Dauphiné et tout le territoire situé sur la rive gauche du Rhône qui avait fait partie de l’empire, le comté de Toulouse et le Languedoc, que les rois de France avaient enlevés à la maison d’Aragon, dont l’empereur était l’héritier. Il se bornait à revendiquer les possessions plus récemment arrachées, à la maison de Bourgogne par le roi Louis XI et injustement détenues par ses successeurs les rois Charles VIII, Louis XII et François Ier : le duché de Bourgogne, qui était, selon lui, un fief héréditaire et non un apanage ; les comtés, villes, terres et seigneuries accordés aux ducs Philippe le Bon et Charles le Téméraire par les traités d’Arras en 1435, de C on flans en 1465, de Péronne en 1468, et parmi lesquels étaient les comtés de Mâcon et d’Auxerre, ainsi que le ressort de Saint-Laurent ; enfin la cessation des droits de suzeraineté sur la Flandre et l’Artois, cessation convenue par les rois Louis XI dans le traité de Péronne et Louis XII dans le traité de mariage de l’archiduc Charles, aujourd’hui empereur, avec sa fille Claude, si les stipulations d’Arras ne s’exécutaient pas et si le mariage était rompu.

Le premier président de Selve répondit que les renonciations auxquelles l’empereur semblait se résigner n’avaient rien d’effectif. Il n’eut pas de peine à prouver que le pape Boniface VIII n’avait pas eu le pouvoir de conférer le royaume de France à l’archiduc Albert, parce qu’il n’en avait pas le droit, que le Dauphiné, la Provence, avaient été régulièrement transmis à la maison de France par des cessions légitimes, que les prétentions de la maison d’Aragon sur le comté de Toulouse étaient moins fondées que ne l’étaient celles des rois très chrétiens sur les royaumes d’Aragon, de Mayorque et de Minorque, sans qu’ils les revendiquassent, — que la France renonçait à des droits très clairs et fort incontestables sur le royaume de Naples, le duché de Milan et la seigneurie de Gênes ; qu’elle cédait Hesdin et Tournay, et qu’elle faisait l’abandon de sa suzeraineté sur les comtés de Flandre et d’Artois, mais qu’elle ne pouvait pas rendre les villes sur la Somme cédées par le traité d’Arras au duc Philippe le Bon, et rachetables moyennant 400,000 écus qu’avait payés le roi Louis XI, — qu’elle ne pouvait pas davantage délaisser le duché de Bourgogne, qui était un apanage de même nature que le royaume, et dès lors non réversible aux femmes, et qui, rentré dans le domaine de la couronne parce que la fille du dernier duc de Bourgogne avait été incapable d’en hériter, ne