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maître du Milanais et cernât ainsi leurs montagnes, qui seraient entourées, du côté de l’Allemagne, par les états héréditaires de la maison d’Autriche, — du côté de la France par la Franche-Comté, — du côté de l’Italie par la Lombardie et le Tyrol. Leur sécurité exigeait que le duché de Milan, débarrassé des troupes impériales, ne reconnût pour maître qu’un petit prince indépendant de la maison Sforza. C’est ce qu’écrivit coup sur coup le dataire Giberto à Ennio Philonardo, évêque de Veruli, nonce du saint-siège auprès des cantons, en le chargeant de préparer mystérieusement une levée de dix mille Suisses, que le pape emploierait partout où il voudrait, sans excepter Naples et sans avoir la crainte que ces troupes fussent rappelées. L’ambassadeur de France, dont la cour avait les mêmes desseins et les mêmes intérêts, devait seconder le nonce du pape. « Les Suisses, écrivait le dataire Giberto à l’évêque de Veruli, auront une occasion de regagner ce qu’ils ont perdu pendant les quatre dernières années et de se montrer de nouveau invincibles, comme ils l’ont été autrefois. Ils seront encouragés par le désir de la France et par le vœu non-seulement de sa sainteté et des seigneurs vénitiens, mais de tout le reste de l’Italie, unie pour se rendre libre [1]. »

L’accord n’était cependant point encore terminé. En envoyant messer Lorenzo Toscano à Venise et à Rome, la régente lui avait donné la mission de le préparer et non le pouvoir de le conclure. On dépêcha donc de la cour pontificale Sigismondo de Carpi, secrétaire du comte Alberto Pio, ambassadeur de France auprès de Clément VII, pour qu’il se rendît à Lyon, à travers les états vénitiens et le pays des Grisons, et arrangeât tout avec la régente. La régente devait prendre envers Francesco Sforza les engagemens que naguère elle avait elle-même proposés : laisser le pape disposer du royaume de Naples en faveur du marquis de Pescara, fournir à la ligue italienne six cents lances, six mille fantassins soldés pendant six mois, avec une artillerie bien équipée, — mettre à la disposition de la ligue dix ou douze galères avec quelques gros navires portant quatre mille fantassins destinés à des entreprises contre Gênes ou contre Naples, enfin assister la ligue de 50,000 ducats par mois, en payant les deux premiers mois d’avance [2]. En retour, l’Italie devait s’unir à la France par une amitié indissoluble, s’engager, après avoir été délivrée, à mettre en campagne à ses frais mille lances et douze mille fantassins pour tirer de prison le

  1. Lettre de Giberto à l’évêque de Veruli, du 1er juillet. — Lettere di principi, t. Ier, f° 165 v°.
  2. Gio.-Mattheo Giberto datario a monsignor di Baiusa, ambasciator di Francia a Venetia. — Lettere di principi, t. Ier, f° 168 v°