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LA
POLITIQUE RUSSE
DANS LES MERS D'ORIENT

La politique a des épisodes éclatans qui entrent avec toute sorte de fanfares officielles dans l’histoire ; elle a aussi des épisodes obscurs, peu connus, difficiles à saisir, et où ne se laisse pas moins lire la pensée d’un gouvernement, quelquefois l’ambition d’une race. La politique russe plus que toute autre se distingue par ce travail multiple, confus, qui embrasse tant de contrées à la fois en Europe et en Asie. Au moment où elle semble arrêtée et vaincue d’un côté, elle se relève et s’étend de l’autre ; sous le coup d’une défaite, elle renoue tous les fils de ses vastes et persévérans desseins. L’immensité de sa sphère d’action, la diversité de ses territoires, lui rendent facile un mystère favorable à ses vues ; elle n’est pas cependant impénétrable, et c’est ainsi qu’aidés de documens dont la Russie elle-même ne déclinerait pas le témoignage, nous pouvons la suivre encore aujourd’hui dans un de ces épisodes qui se lient au mouvement des intérêts contemporains.

On a peut-être oublié, tant les impressions survivent peu aux événemens, on a oublié sans doute l’émotion excitée chez les nations alliées aux premiers instans de la guerre d’Orient, en 1854, par une simple nouvelle venue de Hong-kong et signalant la présence d’une escadre russe dans les eaux du Japon. L’émotion fut extrême, surtout en Angleterre, où tant d’intérêts commerciaux se sentaient menacés ; elle retentit dans la presse, jusque dans le parlement ; ce fut un moment une véritable panique. Le danger, on l’a bien su