Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/731

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aujourd’hui sur les blés de 1864 que sur ceux de 1865. Les battages de la dernière récolte ne sont pas terminés, et on ne connaît pas au juste le rendement définitif. Les déclamations contre la loi de 1861 aggravent d’ailleurs le mal qu’elles prétendent guérir, en ce qu’elles répandent le découragement parmi les vendeurs : à force d’entendre dire que les prix ne remonteront plus, tout le monde se presse de vendre, et l’encombrement des marchés ne diminue pas.

Voilà bien notre caractère national. Quand les blés étaient en hausse, on se figurait que la baisse n’arriverait jamais. Aujourd’hui la baisse est venue, on se figure que la hausse est impossible. Illusion dans les deux cas ! L’expérience du passé nous prouve que la hausse et la baisse se suivent avec la régularité d’un mouvement astronomique. La moyenne des prix depuis le commencement du siècle a été de 20 francs l’hectolitre ; mais on ne trouve pas une seule année à ce taux : trente-cinq ans sur soixante ont été au-dessous, et vingt-cinq au-dessus. Le plus souvent cinq ans de baisse succèdent à cinq ans de hausse, et réciproquement. Quelquefois ces périodes s’abrègent et se rapprochent, mais l’intermittence revient toujours.

Il est vrai qu’en Angleterre la moyenne des prix a baissé depuis la réforme de sir Robert Peel, mais pourquoi ? Parce que les prix étaient plus élevés que partout ailleurs, et tendaient toujours à monter à cause des progrès rapides de la population. Nous ne sommes nullement dans le même cas. Les prix moyens étaient chez nous inférieurs de 25 à 30 pour 100 aux prix anglais, et l’importation, énorme et constante en Angleterre, n’agit chez nous que par accident. En rapprochant les marchés anglais des marchés français, la même cause qui fait baisser les prix sur les premiers doit les faire monter sur les seconds ; la tendance au même niveau doit agir dans les deux pays en sens inverse. Cet effet s’est déjà produit, nous n’en pouvons douter, puisque l’exportation a excédé l’importation ; s’il n’est pas encore bien sensible, il le deviendra davantage. Voilà ce que nous sommes forcé de répéter, puisqu’on ne se lasse pas de répéter le contraire.

Maintenant quels sont les remèdes à la situation présente ? Les plus efficaces dépendent des cultivateurs eux-mêmes, et le gouvernement ne peut-presque rien pour eux, du moins en ce qui concerne le régime douanier. Dans la plupart de leurs réclamations, les producteurs expriment plus ou moins le désir de supprimer les importations de céréales. Ils abandonnent presque tous l’ancien système de l’échelle mobile, dont on a fini par reconnaître l’impuissance ; mais ils le remplacent par un système beaucoup plus protecteur, l’établissement d’un droit fixe, que quelques-uns portent