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notre alliance. Ainsi nous ne tentons au Mexique ni conquête ni colonisation ; nous y avons fait uniquement la guerre à des ennemis ; cette guerre est finie, et nous ne sommes restés que pour les intérêts et les devoirs d’une alliance. Notre position étant définie avec cette netteté, nous n’avons besoin de délibérer qu’avec nous-mêmes, nous n’avons à entrer en pourparlers avec aucune puissance étrangère, pour juger et décider de ce que nous avons à faire. C’est ici que l’on se convaincrait avec une certitude plus manifeste de la sagesse du parti que nous aurions à prendre, si l’on possédait tous les documens et toutes les informations que nous réclamons. Il n’y aurait qu’à mettre en balance l’objet poursuivi par nous et les frais, les risques de la continuation de notre expédition. L’objet poursuivi, toutes les déclarations officielles annoncent qu’il est atteint ; elles affirment que l’empereur Maximilien, soutenu par la volonté populaire, est reconnu partout ; elles affirment que Juarès n’exerce plus d’autorité régulière et ne conserve même plus le titre légal de son ancien pouvoir ; il ne reste plus que quelques résistances éparses que l’on assimile au brigandage. L’annonce de tels résultats suffit pour montrer que la présence au Mexique de trente mille Français n’est plus nécessaire, car apparemment personne n’oserait prétendre que nous devions transformer nos soldats en gendarmes pour aller à deux mille lieues de leur patrie arrêter et fusiller dans une terre étrangère des meurtriers et des voleurs. Un pareil objet ne pourrait plus être mis en balance, nous ne disons pas seulement avec l’honneur de notre armée, mais avec les frais énormes d’une démonstration de forces si considérables. Allons plus loin. Lors même qu’il y aurait quelque exagération dans la façon dont les déclarations officielles nous parlent de la pacification intérieure du Mexique, le bon sens et le calcul des charges de l’entreprise nous imposeraient encore une conclusion semblable. Peut-on donner à une alliance plus de trois années d’un concours si onéreux ? Ne serait-ce point une œuvre étrange et sans exemple dans l’histoire que celle d’un peuple qui se grèverait indéfiniment des charges d’une conquête qu’il n’accomplirait point pour lui-même, à laquelle il travaillerait pour le compte d’un prince étranger ? Trois années ne seraient-elles pas un temps assez long pour mesurer la durée d’une telle entreprise ? Comment d’ailleurs en pourrait-on concilier la poursuite illimitée avec les professions de principes mises en avant ? Protéger par les armes pendant plus de trois ans un gouvernement, contre ses ennemis intérieurs, ce ne serait plus exercer les droits de la guerre et les devoirs d’une alliance, ce serait faire œuvre d’intervention prolongée dans les luttes intestines d’un état, ce serait s’arroger une prépotente tutelle. On le voit donc, la nécessité du prompt rappel de nos troupes est la conséquence naturelle et directe d’un examen de la question mexicaine conduit d’après la seule notion des principes et des intérêts de la France ; il fallait la laisser sortir spontanément des données toutes françaises de la question ; il fallait éviter qu’elle éclatât comme le dernier mot d’une controverse diplomatique.