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L’amendement constitutionnel n’est d’ailleurs qu’un premier pas-dans la voie de progrès égalitaire et d’assimilation nationale où la force même des choses entraîne l’Amérique. Les radicaux qui l’ont rédigé y ont introduit à dessein une clause élastique qui leur permet à l’avenir d’en étendre les conséquences et d’en imposer l’application. « Il n’existera plus, dit le paragraphe premier, ni aux États-Unis ni en aucun lieu soumis à leurs lois, d’esclavage ni de servitude involontaire, si ce n’est comme punition d’un crime dont la personne réduite en servitude aura été bien et dûment convaincue. » Et le second paragraphe ajoute : « Le congrès aura le pouvoir de fortifier cet article et de le mettre en vigueur par une législation appropriée. » Voilà donc la porte ouverte aux réformes radicales.

Il ne suffit pas en effet, pour émanciper la race noire, de rebâtir le frontispice des constitutions et de changer pour ainsi dire le costume de l’esclavage. Le jour où les états du sud, vaincus et pacifiés, auront souscrit à la grande réforme, il faudra encore abolir toute une législation barbare née avec l’esclavage et faite pour le perpétuer. Qu’importerait le mot de liberté, si l’on devait maintenir et renforcer toutes ces lois de détail qui en feraient une autre forme de la servitude ? A quoi bon proclamer l’abolition, si les noirs doivent être ensuite exclus de la société politique et civile, écartés systématiquement des écoles, bannis des cours de justice, pourchassés comme des bêtes sous prétexte de vagabondage et de mendicité, internés de force dans les plantations, asservis a leur ancien labeur sous le nom de travailleurs libres, mais pour des salaires dérisoires et fixés par leurs anciens maîtres, — fouettés, maltraités, exposés sans défense à tous les caprices des blancs ? Il faudra bien qu’on les protège contre la brutalité d’un maître dépossédé qui sera devenu pour eux un ennemi, et c’est ce que le congrès entend faire, si les