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en revanche une compensation pour les esclaves émancipés et l’adoption de la dette confédérée par le gouvernement des États-Unis. — Ces concessions sont exorbitantes ; mais on explique comment l’indemnité sera minime et proportionnée à la présente valeur de cette propriété des esclaves, plus onéreuse aujourd’hui que profitable, — comment, d’autre part, les États-Unis ne promettront jamais de remplir tous les engagemens illusoires qu’a pris un gouvernement désespéré. Ils reconnaîtront le principal de la dette, et ce serait déjà un bienfait immense que de donner ainsi une valeur réelle et la certitude du remboursement à un capital emprunté au taux de l’usure la plus extravagante et considéré depuis longtemps comme perdu. Quant à l’intérêt de dix pour cent qu’a promis le gouvernement rebelle, il serait réduit à trois pour cent qui, en monnaie fédérale, vaudraient encore vingt fois le revenu actuel. Ainsi les États-Unis achèteraient la soumission des rebelles, ou plutôt, après les avoir désarmés, réduits à merci, ils les recevraient dans l’Union en leur faisant un magnifique cadeau de bienvenue et en les aidant à réparer la ruine que s’est attirée leur folie ! Voilà le joug intolérable sous lequel on a voulu faire passer les rebelles, voilà l’insulte, l’humiliation qu’on a voulu leur infliger, et que des gens voisins du gouvernement m’ont donnée pour certaine ! C’était presque leur payer les frais de la guerre et les punir de leur obstination criminelle en les admettant, comme l’enfant prodigue, à une plus grosse part des bienfaits publics[1].

Cependant les journaux de Richmond, obéissant à un commun mot d’ordre, faisaient les dédaigneux et les sceptiques. La Sentinelle, porte-voix accoutumé du président Davis, appelait Stephens et les autres « les soi-disant commissaires du gouvernement confédéré. » — « Nous ne ferons pas, disait-elle, la paix sur une autre base que celle de l’indépendance, et toute autre proposition de l’ennemi sera considérée comme une insulte. Notre gouvernement n’a ni l’intention ni même le droit de traiter avec les Yankees. L’ambassade officieuse du vice-président ne servira qu’à montrer que la paix est impossible, et que la guerre à outrance est le seul parti qui puisse nous sauver. » Ces rodomontades, assaisonnées de quelques injures chevaleresques à la façon de l’aristocratie rebelle, paraissaient dans

  1. Ces détails ont été confirmés depuis par le récit que le vice-président Stephens a fait lui-même des négociations de Hampton-Roads. Les rebelles n’ont plus le droit de se plaindre qu’on les oblige à répudier la dette confédérée : ils l’ont condamnée eux-mêmes le jour où ils ont repoussé les offres trop généreuses du président Lincoln. Ils ne se sont d’ailleurs jamais fait illusion sur le sort probable de leurs expédiens financiers. Le discours prononcé autrefois par M. Stephens dans la législature de la Géorgie pour l’exhorter à prendre sa part de l’emprunt confédéré prouve très bien que les états rebelles savaient, en contractant cette dette, qu’elle était perdue, si la guerre tournait contre eux.