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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/862

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deux heures et demie les six grandes lieues qui le séparaient de Madrid[1]. Il y arriva entre huit et neuf heures du soir, et se rendit sur-le-champ à l’Alcazar. Laissant à la porte de la chambre du roi les ducs qui lui faisaient cortège, de peur de fatiguer le malade, il y entra avec le seul vice-roi de Naples, éclairé par le maréchal de Montmorency, qui portait devant lui un flambeau.

En voyant l’empereur, François Ier se releva avec effort sur son lit et s’inclina. Charles-Quint se jeta dans ses bras, et ils se tinrent pendant quelque temps étroitement embrassés sans proférer une parole. François Ier rompit le premier le silence, et dit : « Seigneur, vous voyez devant vous votre prisonnier et votre esclave. — Non, répondit affectueusement l’empereur, mais mon bon frère et véritable ami que je tiens pour libre. — Votre esclave, ajouta le roi. — Mon bon frère et ami qui deviendra libre, repartit avec insistance l’empereur. Je ne désire rien plus que votre santé, ne pensez qu’à elle ; tout le reste se fera, seigneur, comme vous pouvez le souhaiter. — Il en sera ce que vous ordonnerez, continua le roi, car c’est à vous de commander ; mais, seigneur, je vous en supplie, qu’il n’y ait pas d’intermédiaire entre vous et moi[2] ! » François Ier retomba fatigué, et lorsque l’empereur sortit après avoir passé

  1. Relation de lo sucedido en la prision de Francisco I, por Hernandez de Oviedo, fol. 15 v°. — Dans Gachard, Appendice, p. 87. — Commentarios de los hechos del señor Alarcon, p. 306. — Sandoval, t. Ier, liv. XIII, § 16.
  2. « In questo mezzo peggiorando il re, cesare volle visitarlo in persona a Madril. Accostatosi al letto il re si sforzò di sollovarsi il meglio cho potè ed abbraciato cesare, gli disse in francese queste formali parole : Imperator mio signor, ecco qui un tuo servitore e schiavo. Cesare rispose che così non era, ma suo bueno amico e fratello, che tale sperava gli sarebbe, che attendesse pure a star allegro, e non pigliasse altro pensiero che di risanare, perchè alla venuta di madama d’Alanson siguirebbe tra loro buena pace, perch’ egli non voleva se non il dovere, e pensava che anche dal re non sarebbe mancato di fare il dovere, e perciò sarebbe presto in libertà. » — Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 179. — Ce récit de la visite de Charles V est conforme à la relation inédite qu’en fait Gonzalo Hernandez de Oviedo, qui l’avait appris le soir du retour de Charles V à Tolède de la bouche même du duc Ferdinand de Calabro. — Cette relation, qu’extrait et cite M. Gachard dans son Appendice, p. 87, est conservée à la bibliothèque de Madrid ; elle s’accorde avec ce qu’en dit Sandoval (liv. XIII, § 16). Elle diffère un peu de la version de François Ier, qui fait dire à Charles-Quint : « Mon frère, ne vous souciez d’autre chose que de guérison et santé, car quand vous voudriez demeurer prisonnier, je ne le voudrois pas, et vous promets que vous serez délivré à votre grand honneur et contentement, et après que madame la duchesse sera venue à Tolède, nous ferons chose pour votre délivrance dont vous serez joyeux et content. » Captivité de François Ier, p. 471. — Il y a un peu d’exagération des deux côtés sans aucun doute. Il n’est pas vraisemblable que Charles-Quint dans ce moment ait insisté sur ce qui lui était dû, puisque, selon lui, ce qui lui était dû était la Bourgogne, que François Ier ne voulait pas lui céder. Il n’est pas vraisemblable non plus qu’il soit allé jusqu’à lui dire que quand il voudrait demeurer prisonnier, lui ne le voudrait pas.