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roulement de tambour, ils tombèrent sous les balles. La maison qui leur appartenait, où le crime s’était accompli, fut rasée. En même temps fut affiché et répandu au loin un décret qui, sous peine de mort, interdisait le port d’armes à tout Mexicain sans distinction de parti. Deux jours après la publication de ce décret, le chef régulier des libéraux de la province, ancien gouverneur du Tamaulipas, le général La Garza, vint faire sa soumission à Vittoria. Cette démarche fit sensation ; la défection du général La Garza fut le signal du retour de nombreuses familles qui avaient déserté Vittoria à l’approche de Mejia, et qui désormais avaient confiance dans la parole française. Le général La Garza, marié à la fille d’une des premières familles du pays, est un homme bien élevé, ambitieux comme un hcenciado (la classe des hcenciados, c’est-à-dire ceux qui ont pris leurs degrés aux facultés, s’est toujours disputé le pouvoir). Dans les guerres civiles, il a marqué par ses idées libérales : à la tête de deux cents républicains, il a défendu heureusement Vittoria contre trois mille cléricaux qui l’assiégeaient. Peu versé dans l’art de la guerre, quoiqu’il eût été placé à la tête des forces qui attaquèrent les Français lors de l’évacuation de Tampico, il combat surtout par la ruse. Quelque secret dessein que voilât sa soumission, elle concourut à semer le désordre parmi les républicains, et les opérations que la contre-guérilla devait poursuivre dans le nord du Tamaulipas se trouvèrent ainsi facilitées.


II

L’état des routes semblait permettre enfin de rentrer en campagne ; les pluies avaient cessé, le terrain s’était raffermi. Le 12 septembre 1864, dans la nuit, la contre-guérilla française quitta Vittoria, et marcha droit à la mer par Sotto-Marina, pour fermer définitivement le passage vers Tampico aux troupes de Cortina, qui pouvaient se mouvoir librement encore entre Matamoros et la ville de San-Fernando, où s’étaient accumulées leur artillerie et leurs munitions. Le mouvement de la division Mejia, qui leur coupait la seule autre route, celle du nord, était assez accusé : nous venions d’apprendre que, malgré les pluies, elle était arrivée à Cadeyreta, ville située près de Monterey. En sortant de la capitale du Tamaulipas, si on se tourne vers le golfe du Mexique, on domine au loin l’horizon. Le pays, couvert d’un vaste manteau de verdure aux teintes monotones, parait plat ; mais dès qu’on s’est engagé sous la forêt, ravins et mamelons, torrens desséchés et cours d’eau retardent la marche. Le tracé de Vittoria à Sotto-Marina compte trente-deux lieues, toujours à travers bois : tracé est vraiment la seule dénomination qui convienne à ces coupures faites jadis dans