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à lui tout seul la majorité ; mais précisément à cause de cette éventualité possible on évite toujours de le choisir parmi ceux qui ont joué un grand rôle dans la politique, ou qui ont pris une part éclatante aux discussions du parlement. Il faut qu’il soit un des moins compromis avec aucun parti : aussi peut-être jamais aucun des hommes d’état ou des grands orateurs de la chambre des communes n’a-t-il été appelé aux honneurs de la présidence. D’ailleurs il serait assez difficile à de tels hommes de remplir convenablement les devoirs de cette charge. La jurisprudence de la chambre, résultat de traditions qui remontent jusqu’à plus de six cents ans, compose toute une science que n’ont pas le temps d’étudier ceux qui sont tous les jours sur la brèche du débat public, comme aussi par la même raison ils ne peuvent pas connaître avec compétence les usages et la manière de procéder dans ces innombrables affaires qui ressortent des attributions si étendues de la chambre, qui se vident-dans les discussions intérieures des comités, qui doivent être introduites, dirigées et menées à fin par les soins du président. Il n’y a que des hommes spéciaux et formés par une longue expérience qui soient capables de remplir cet office. Par suite, aucun homme nouveau ne peut être président, car le président doit être avant tout et par-dessus tout l’homme de la chambre des communes, éprouvé dans tous les détails de sa vie intérieure, de son administration et de sa juridiction[1].

Après l’élection de son président, il ne manque plus, à la chambre des communes pour être définitivement constituée que de procéder à la vérification des pouvoirs de ses membres. Cela se fait de la manière la plus simple. Le clerc de la chambre a en main la liste des candidats qui ont été proclamés sur les hustings par les officiers chargés de la police des élections comme ayant obtenu

  1. Le très honorable John Evelyn Denison, qui vient d’être élu pour la troisième fois à ces hautes fonctions, remplit, cela n’a pas besoin d’être dit, toutes les conditions que nous venons d’indiquer. Il est né en 1800, et il est entré au parlement en 1827. Il appartient au parti libéral, mais il n’a jamais joué de rôle important dans les luttes de la politique proprement dite, s’étant voué de bonne heure à ces fonctions intérieures qui ne jettent pas un grand éclat aux yeux du public, mais qui donnent des titres sérieux à la considération de la chambre. Aussi en 1857, après trente ans de cette existence laborieuse et dévouée, lorsque la candidature à la présidence devint vacante par l’élévation de M. Shaw Lefevre a la pairie, M. Denison fut-il élu par un vote unanime. Il en fut de même en 1859, quand les tories étaient au pouvoir ; il vient d’en être encore de même en 1866, avec addition d’un petit épisode qui mérite d’être rapporté comme symptôme des mœurs parlementaires de nos voisins. En offrant à M. Denison les félicitations de l’opposition, M. Disraeli a exprimé le regret que l’on n’eût pas demandé à quelqu’un des membres du parti conservateur, de proposer ou d’appuyer la nomination, devoir que tous les membres de l’opposition eussent été heureux de remplir, connaissant, comme ils les connaissent depuis longues années déjà, l’impartialité et les lumières de M. Denison.