Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/367

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si François Ier avait exécuté tout ce qu’il annonçait, s’il avait surtout envoyé diligemment les sommes d’argent qu’il promettait au pape et dont le pape avait un pressant besoin pour tenir ses troupes sur pied, afin de lutter sans désavantage au sud contre le vice-roi et d’attendre sans trop de crainte au nord l’armée impériale que commandait le duc de Bourbon, les choses se seraient passées comme François Ier le demandait ; mais ce prince, prodigue de paroles et d’assurances, voyait ce qu’il y avait à faire, et, soit légèreté, soit impuissance, il ne le faisait jamais à propos ou ne le faisait qu’imparfaitement. Ce qu’il concevait avec intelligence, il ne l’accomplissait pas avec exactitude. Très spirituel et fort pénétrant, il ne lui manquait pour être habile que de joindre l’application à la clairvoyance et d’adapter ses moyens à ses projets. Malheureusement les plaisirs qu’il aimait le détournaient sans cesse des affaires dans lesquelles il se jetait, et il promettait toujours au-delà de ce qu’il pouvait.

Ainsi François Ier ne fit point remettre à Clément VII les sommes dont il avait annoncé l’envoi au nonce Acciajuoli. Il n’expédia pas non plus assez vite sur ses gros navires les troupes de débarquement nécessaires à l’invasion du royaume de Naples. Cette invasion, qui rencontra fort peu de résistance de la part des Espagnols et beaucoup d’assentiment de la part des populations lassées de leur joug, aurait réussi, si elle avait été tentée avec un peu de vigueur et d’ensemble. Renzo da Ceri entra avec 6,000 hommes levés à la hâte dans les Abruzzes ; secondé par les fils du comte de Montorio, il prit Aquila et se rendit maître des pays de Tagliacozzo, d’Alva et de Celano. La flotte sur laquelle était le comte de Vaudemont s’empara de Pouzzoles, de Mola-di-Gaëte, de Castellamare, de Sorrento et de la Torre del-Greco ; mais, soit du côté de la terre, soit du côté de la mer, les progrès de la conquête furent arrêtés par l’insuffisance des moyens fournis pour l’exécuter. Faute de troupes de débarquement, le comte de Vaudemont ne put pas prendre Naples ; faute de ressources, Renzo da Ceri fut hors d’état de s’avancer jusqu’en Pouille ; enfin, faute d’argent et de vivres, l’armée pontificale elle-même, peu de temps après, l’avantage obtenu devant Frosinone, ne voulut pas rester sur pied et se débanda. Lannoy, reprenant l’offensive, franchit la frontière du royaume de Naples et se porta de nouveau dans les états du saint-siège. Il parvint, sans être arrêté, jusqu’à Piperno. D’autre part, le duc de Bourbon était prêt à quitter son camp de San-Giovanni et menaçait d’envahir avec ses terribles bandes l’Italie centrale.

Clément Vil était aux abois. Il avait épuisé le trésor pontifical[1]

  1. Guicciardini, lib. XVIII.