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troupes. On lui conseillait depuis longtemps de faire six cardinaux, dont la création lui eût rendu 240,000 écus ; mais il s’y était jusqu’alors refusé avec une invincible honnêteté, et il disait qu’il se ferait plutôt couper la main droite que de nommer un cardinal pour de l’argent et de signer un acte si au déshonneur du saint-siège[1]. Espérant sans doute que les impériaux seraient arrêtés par les confédérés, qui les empêcheraient non-seulement d’entrer dans Florence, mais de s’avancer vers Rome, il n’avait rien fait pour préserver cette dernière ville d’une agression imminente. Dans la témérité de sa confiance, qui ne fut égalée que par l’excès de son imprévoyance, il avait même interdit d’en sortir aux marchands étrangers et aux Romains, qui, craignant un siège suivi d’un sac, voulaient descendre le Tibre avec leurs richesses et leurs familles et se retirer à Civita-Vecchia[2]. Il croyait l’armée impériale assez éloignée encore, lorsqu’il apprit le 2 mai qu’elle était à Aquapendente et que les chevau-légers de son avant-garde, conduits par Sciarra Xolonna, s’étaient montrés à Viterbe demandant le passage et des vivres. Cette nouvelle le troubla au dernier point[3]. Il se décida bien tard à faire lever des troupes par Renzo da Ceri, revenu de l’Abruzze, où il n’avait pas pu se soutenir, et qu’avait rendu célèbre la défense de Marseille contre Bourbon. Clément VII lui confia le commandement militaire et la défense de Rome. Comme il manquait d’argent, l’ambassadeur d’Angleterre, Gregorio Casale, témoin des anxiétés du pape, dont il s’efforça de remonter le courage[4], engageait le jour même sa vaisselle et ses joyaux pour fournir aux dépenses des premiers enrôlemens[5]. Il le poussa à une création de cardinaux[6], qui, moins

  1. Lettre de John Russell à Henri VIII, écrite le 11 mai de Savone. — State Papers, t. VI, p. 577.
  2. Lettre de John Casale, ambassadeur de Henri VIII à Venise, du 16 mai, au cardinal Wolsey. — State Papers, t. VI, p. 578. — Lettre de Philippo Belluci à M. Fed. Clavario, commissario apostolico, du 4 mai. Lettere di Principi, t. II, p. 74 r°.
  3. « Ceste nuyt sont venues lettres par un villain à pied que le seigneur Scciara Colonne avec 60 chevaux-légiers vint jusqu’à la muraille de Viterbe à demander les seigneurs de la ville affin de leur donner vivres et passage, et le dict Scciara dist que le reste du camp estoit à Aquependente et Montflascon, laquelle chose a fort estonné la sainteté de nostre seigneur. » Lettre de Gregorio Casale, écrite de Rome le 2 mai 1527. Bib. Cott. Vitellius, B. IX, et dans Mss. Bréquigny, vol. 92, f° 105.
  4. « J’ay esté à ce matin à sa sainteté une bonne heure… C’est une chose quasi inexprimable de la peur que le pape avoit ; mais je vous promets que j’ay faict ce qu’il a esté possible pour luy donner cueur. » Ibid.
  5. « Vollant le seigneur Rance envoyer à lever mil hommes de pied, il n’a esté possible de trover mil escuz pour lui donner… J’ay envoyé engager toute la vesselle, anaulx, joyaulx, bagues qui estoyent à la maison. » ibid.
  6. «… Me suys mys en tout effort à l’y persuader de faire des cardinaux, desquels sa sainteté estoit résolue qu’ils se feissent ce jourd’huy. » Ibid. — Ciaconi dit en effet que Clément VII créa le 3 mai 1527 cinq cardinaux, à savoir : Benedict Accolti, évêque de Cadix ; Aug. Spinola, évêque de Perugia ; Nic. Gaddi, évêque de Ferino ; Herc. Gonzaga, archevêque de Tarragone : Marin Grimaldi, patriarche d’Aquilée. — Ciaconius, Vitæ et res gestæ Pontificum Romanorum, etc., t. III, p. 477 à 486. Romæe, in-fol., 1677.