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dont l’effet avait été d’ailleurs effacé en partie par la prise de Crémone, survenue deux jours après. Cette forte place s’était rendue le 23 septembre au duc d’Urbin, qui en avait fait le siège régulier durant sept semaines. Après la reddition de Crémone, le généralissime de la ligue aurait pu, avec son armée victorieuse, qui se composait de 24,000 hommes de pied d’excellentes troupes et de plus de 3,000 hommes de cavalerie, aller attaquer dans Milan les impériaux, que les maladies décimaient en ce moment[1]. Il avait sous ses ordres 6,000 Suisses ou Grisons, les 4,000 piétons français du marquis de Saluces, les 4,000 hommes des bandes noires de Jean de Médicis et les 10,000 soldats de la république de Venise. Le duc de Bourbon se plaignait de l’impuissance où le réduisait l’affaiblissement de son armée[2] dépourvue de tout, qu’il était obligé de faire vivre dans une ville épuisée et dont la mort réduisait chaque jour le nombre. Il écrivait sans cesse à Charles-Quint, qui lui avait déjà donné ou envoyé 200,000 ducats, pour lui dépeindre la détresse de ses soldats, et il pressait aussi par ses lettres George de Frondsberg de venir au plus tôt se joindre à lui avec les lansquenets qu’il levait en Allemagne.

Sans tirer parti de son succès et de ses forces, le duc d’Urbin laissa pendant trois semaines l’armée de la ligue dans l’inaction. Lorsqu’il la mit en mouvement après la mi-octobre, ce ne fut pas pour assaillir dans Milan les impériaux affaiblis et peu capables de lui résister. Il conçut le projet timide de les y bloquer et de les y affamer. Il espéra, en postant ses troupes sur les points fortifiés de Marignan au sud-est, d’Abbiato-Grasso au sud-ouest, et de Monza au nord de Milan, empêcher les vivres d’y arriver du Parmesan, de la Lomelline et du mont de Brianza, et réduire les Espagnols à partir ou à se rendre. L’arrivée prochaine des lansquenets de Frondsberg devait déjouer ce plan, et les impériaux, qui, attaqués à l’improviste en Italie, étaient jusque-là restés sur la défensive, allaient être renforcés dans le haut comme dans le bas de la péninsule et y prendre l’offensive.


MIGNET.

  1. « Depuis ung moys, il y a bien eu troys mil hommes des vostres malades. » Charles de Bourbon à l’empereur, le 27 août 1526. — Archives impériales et royales de Vienne.
  2. Il ajoutait dans sa lettre du 8 septembre, en parlant à l’empereur des confédérés : « lesquels se confient en mon petit nombre et au grand nombre de malades que nous avons. » Ibid.