Cérinthe et Ebion avaient planté deux drapeaux rivaux à côté même de saint Pierre, et, plus juifs que chrétiens, retenaient à eux bien des circoncis que la foi nouvelle avait touchés. En un grand nombre de lieux, des églises judaïsantes, où le Christ était représenté comme un simple prophète et l’Évangile comme un complément de la loi mosaïque, menaçaient d’étouffer dans le christianisme la liberté qui en était l’âme. La liberté régnait, il est vrai, au sein des églises des gentils, mais incertaine et soupçonnée. Vainement, dans une noble vue de progrès et sur la provocation de Paul, les apôtres, réunis en concile à Jérusalem, décidèrent que les fidèles devaient s’abstenir de la fornication, de l’usage des chairs étouffées et du sang, ainsi que des viandes offertes aux idoles, bornant à ces trois prescriptions l’obligation des observances ; vainement l’évêque de cette église, Jacques, frère de Jésus, appuya d’une lettre épiscopale la décision du concile : les églises judaïsantes n’obéirent pas. Il y eut des révoltes ou des menaces partout où les chrétiens circoncis se trouvaient fortifiés par le voisinage des synagogues. Dans l’Asie-Mineure et la Syrie, où les communautés de Juifs convertis étaient nombreuses, une grande fermentation se fit sentir sous l’incitation des fidèles de Jérusalem. La Galatie, théâtre des nombreuses conversions de saint Paul, éprouva de si violentes agitations, que l’œuvre de l’apôtre des gentils en parut ébranlée. Lui-même nous fait connaître ses vives appréhensions dans son épître aux Galates.
Sur ces entrefaites, Pierre fut amené par les besoins de sa prédication dans la ville d’Antioche, où Paul avait fondé d’élémens grecs et syriens une église assez florissante. Il se réunit à son co-apôtre, et communiqua sans scrupule avec ces gentils, pria, mangea avec eux. À quelque temps de là arrivèrent subitement des circoncis de l’église de Jérusalem ; ils se scandalisèrent, et Pierre quitta secrètement les gentils pour aller vivre avec les circoncis. Les autres Juifs qui avaient suivi son premier exemple imitèrent aussi le second et se séparèrent. Alors arriva la scène que saint Paul expose aux Galates afin de raffermir sa propre autorité près de leurs églises et de justifier également aux yeux des incirconcis et des circoncis la liberté évangélique qui faisait le fond de sa doctrine. Voici comment il la raconte. « Quand je vis que Pierre et les autres Juifs ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Céphas devant tout le monde : « Si toi qui es Juif, tu vis comme les gentils, pourquoi forces-tu les gentils de judaïser ? » — Il semblerait par ces paroles que plusieurs gentils, voyant la scission de Pierre et des autres circoncis, se seraient sentis troubler dans leurs consciences.
Telle fut la scène d’Antioche. Paul n’ajoute rien de plus dans sa communication aux disciples de Galatie, et il faut qu’elle ait eu