jusqu’à présent la discussion relative à la situation de l’agriculture. La chambre jouirait de toutes les franchises parlementaires, elle aurait eu le droit, comme le parlement anglais l’a fait souvent, de prendre en considération, sur la proposition d’un de ses membres, les effets et les causes de la détresse accidentelle des intérêts agricoles, qu’elle ne se fût point livrée à une investigation plus vive et plus profonde. Avant de nous prononcer sur les opinions que cette polémique consciencieuse et véhémente a mises en présence, nous croyons devoir rendre hommage au zèle et à la vigueur que la chambre a déployés dans ce débat. Voilà les grands travaux délibératifs qui démontrent à tous la souveraine utilité du régime parlementaire, qui l’honorent et le font vivre dans les intérêts et les mœurs d’un peuple. Il faut d’abord envisager dans son ensemble une telle discussion et payer un tribut presque égal d’estime et de reconnaissance à ceux qui ont combattu nos opinions et à ceux qui les ont soutenues. Quand on croit fortement à la vertu de la discussion, quand on est convaincu que le meilleur chemin pour conduire l’intelligence à la vérité est la persuasion qui résulte du choc des idées, on n’est point enclin à s’irriter de la contradiction, car quand la contradiction est sincère, quand elle est soutenue par la sérieuse étude des choses et éclairée par le talent, elle concourt au triomphe des idées justes qu’elle n’a fait que soumettre à une épreuve décisive dans son effort pour les ébranler. Nous sommes partisans de la liberté du commerce, surtout du commerce des substances alimentaires, et nous avons le sentiment que cette cause est sortie fortifiée du rude combat que viennent de lui livrer les idées protectionistes représentées par M. Pouyer-Quertier et M. Thiers. Il est certain, et personne ne le conteste, que le principal des intérêts agricoles, celui de la production des céréales, est en souffrance depuis huit mois. Les prix du blé sont descendus au-dessous du taux rémunérateur. Il est impossible que dans un pays aussi producteur de blé que la France une pareille souffrance ne soit pas douloureusement et universellement ressentie. Il est patriotique, et humain de rechercher les causes de ce mal et les moyens par lesquels on peut l’atténuer ou en prévenir le retour. De nombreux esprits, imbus des traditions encore toutes vivantes du système protecteur, ont attribué la cause de la détresse agricole à la libre entrée des grains étrangers, et ont demandé pour remède un faible droit de 2 francs par hectolitre sur les blés importés. On n’a pas le droit de s’étonner, et le gouvernement aurait ce droit moins que personne, qu’un grand nombre d’agriculteurs voient dans l’abolition du régime protectioniste la cause de leur malaise. Ç’a été la destinée de la liberté commerciale de s’établir parmi nous par une sorte de coup de force ; on doit dire, pour être juste, que, même en Angleterre, le succès de cette cause n’a point été exempt de violence. Pour que l’Angleterre abolît ses corn-laws ; il a fallu une sorte de coup d’état de la Providence, la famine irlandaise de 1846 ; il a fallu que sir Robert Peel eût l’intrépidité de rompre une des conventions les plus fortes du régime parlementaire, de désavouer et de briser le parti
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