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époques et suivant les circonstances, que c’est comme s’ils n’existaient pas. La loi de 1816 avait eu beau placer de la manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative l’amortissement tel qu’elle l’établissait, on n’a pas tenu compte de ses prescriptions et on a agi à toutes les époques suivant les intérêts du moment. En 1825, on pensa qu’il était illogique au plus haut point, très préjudiciable aux intérêts généraux, de racheter au-dessus du pair une rente qu’on avait le droit de rembourser à ce taux, et qui avait été émise à des conditions bien inférieures. En 1833, lorsqu’après avoir fait profiter pendant quelque temps le 5 pour 100, — qui était retombé au-dessous du pair après la révolution de juillet, — du bénéfice de l’amortissement, il fallut de nouveau l’en priver à cause de l’élévation du cours et reporter sur le seul 3 pour 100, qui était à peine le tiers de la dette publique, toute la dotation. On estima que cette action exclusive de l’amortissement sur le 3 pour 100 détruirait l’équilibre entre les divers fonds de l’état et favoriserait certains créanciers au préjudice des autres. On fit une loi pour proportionner la dotation à l’importance de chaque fonds. Enfin en 1848, quand on supprima tout à fait l’amortissement, on avait besoin de ses ressources pour équilibrer le budget, et on crut qu’il valait mieux cesser d’amortir que d’imposer des taxes extraordinaires. Serait-ce donc qu’en faisant toutes ces modifications on manquait à des engagemens pris vis-à-vis des créanciers de l’état ? Et l’engagement de la loi de 1816, — pour prendre le premier en date, celui qui a constitué ce qu’on appelle le principe d’amortissement, — cet engagement était-il de telle nature qu’il enchaînât à jamais les législateurs à venir, et qu’on dût toujours amortir selon les formes qu’il avait prescrites ? C’est la première question à examiner.

Quand l’état contracte un emprunt et s’engage à payer une rente déterminée, ou quand encore il promet de garantir un intérêt dans une entreprise industrielle, ainsi qu’il l’a fait pour les chemins de fer, il est tenu, comme tout particulier, à l’exécution stricte de son engagement ; il n’en peut rien rabattre, parce que tout ce qu’il en rabattrait serait un préjudice causé à ceux envers lesquels il s’est engagé. Vous m’avez promis une rente de 3 pour 100 ou une garantie de 4 pour 100 ; j’ai le droit de compter que j’aurai toujours, quelles que soient les circonstances et quoi qu’il en coûte à l’état, cette rente de 3 pour 100 ou cette garantie de 4 pour 100. Les législateurs de l’avenir ne peuvent rien changer au contrat, ils sont liés comme ceux qui l’ont fait ; mais en est-il de même pour l’amortissement ? Est-ce un contrat de droit aussi strict ? Peut-on dire que la garantie qui a été donnée à une certaine époque devra