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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/767

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Bélus ! comment cela peut-il se faire ? » demanda le roi de Babylone. Les prêtres de Bélus expliquèrent ce prodige par la colère du ciel. Les dieux, irrités, disaient-ils, de ce que le roi tolérait des dissidens en son royaume, avaient frappé la terre dans ses récoltes. Le roi ne se laissait pas persuader par ce discours ; il avait bu naguère de très bon vin, et à la table même des prêtres de Bélus. « Comment se fait-il, répéta le roi, que le seul vin mauvais soit le vin envoyé à mes juges ? » Un vieux philosophe qu’on avait vu sourire lors de l’établissement de ces juges et du prix qu’ils devaient accorder expliqua la chose au roi le plus naturellement du monde. Oui sans doute, la récolte avait été généralement bonne et le vin délicieux ; mais les propriétaires des bons crus, assurés qu’ils étaient de vendre leurs vins à prix d’or, n’avaient garde de les envoyer au concours. Qu’avaient-ils à faire des dix ânesses, des dix esclaves et des dix vêtemens complets ? Disputer un tel prix était bon pour les pauvres diables qui ne vendaient pas leur vin une obole, ou qui même n’avaient pas de vigne du tout. Vainement ces gens-là plantaient-ils des ceps en leurs landes stériles, vainement fumaient-ils leurs lourdes terres et remuaient-ils leurs marécages : leur vin serait toujours aigre, sentirait la terre glaise, ferait toujours fuir par son affreux bouquet. L’institution nouvelle n’avait donc pas fait de bien ; elle avait même fait du mal, puisque les concurrens auraient pu se livrer plus utilement à une autre culture que celle de la vigne.

Cette boutade est bien anglaise ; ce qui le paraît davantage encore, c’est de faire de l’Académie française un argument en faveur de sa thèse : on ne s’y serait pas attendu. Sans se laisser déconcerter par les deux siècles qu’a duré cette institution, Macaulay soutient que l’histoire de l’illustre compagnie n’est qu’une suite non interrompue de serviles complaisances, de misérables artifices, de mortelles inimitiés, d’amitiés perfides ; elle est aussi puissante pour le mal qu’elle est sans force pour le bien. Là-dessus il rappelle le souvenir de Corneille et de Voltaire, les épigrammes de Piron, les mémoires de Marmontel et les lettres de Montesquieu. Rhéteur ! a dit M. Matthew Arnold. Le mot est dur et même injuste ; mais on pourrait dire : avocat !


IV

Telles sont les idées dominantes de M. Matthew Arnold, la critique sans parti-pris et l’autorité en littérature. Ces deux termes qui semblent se repousser, on a vu comment Ils se concilient dans