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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/908

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fou, l’impie pour un sage, les furieux pour des braves, les plus mauvais pour les meilleurs. L’âme et toutes les questions qui s’y rattachent, — est-elle née mortelle ou peut-elle espérer conquérir l’immortalité ? — tout ce que je vous ai exposé ici, on ne fera qu’en rire, on n’y verra que vanité.

« Il y aura même, croyez-moi, danger de mort pour celui qui gardera la religion de l’intelligence. On établira des droits nouveaux, une loi nouvelle ; pas une parole, pas une croyance sainte, religieuse, digne du ciel et des choses célestes. Déplorable divorce des dieux et des hommes, il ne reste plus que les mauvais anges ; ils se mêlent à la misérable humanité, leur main est sur elle ; ils la poussent à toutes les audaces mauvaises, aux guerres, aux rapines, aux mensonges, à tout ce qui est contraire à la nature des âmes. La terre n’aura plus d’équilibre, la mer ne sera plus navigable, le cours régulier des astres sera troublé dans le ciel. Toute voix divine sera condamnée au silence, les fruits de la terre se corrompront, et elle cessera d’être féconde, l’air lui-même s’engourdira dans une lugubre torpeur. Telle sera la vieillesse du monde, irréligion et désordre, confusion de toute règle et de tout bien. »


Ce passage est significatif ; ce livre, qui peint sous des couleurs si vives l’angoisse des esprits cultivés devant la chute inévitable de la civilisation antique, a dû être composé sous un empereur chrétien, et comme Lactance, qui vivait sous Constantin, cite plusieurs fois le Discours d’initiation, on en doit conclure que c’est pendant le règne de cet empereur que l’ouvrage a été écrit. On pourrait se demander comment Lactance a pu prendre au sérieux l’authenticité d’un livre contenant des allusions si claires à des faits contemporains ; mais on sait que les auteurs ecclésiastiques de cette époque ne brillent guère par le sens critique. Lactance cite à chaque instant de prétendus oracles sibyllins où la main du faussaire se trahit à toutes les pages, et il s’imagine combattre ainsi le paganisme avec ses propres armes. Les livres hermétiques sont à ses yeux une autorité antique et très vénérable : « Hermès, dit-il, a découvert je ne sais comment presque toute la vérité. » Le livre qu’il invoque le plus souvent est précisément le Discours d’initiation, sans s’apercevoir qu’il a été composé de son temps. Dans les allusions si claires de l’auteur à la chute du paganisme, il ne voit qu’un tableau de la fin du monde, et il regarde Hermès comme une sorte de prophète inspiré.

La grande persécution du paganisme n’a eu lieu que sous les successeurs de Constantin, et il faut remarquer en effet qu’Hermès ne parle pas précisément d’une persécution sanglante. Il se plaint seulement des progrès de l’impiété, de l’oubli où est tombée la religion, des tombeaux qui remplacent les temples, allusion au culte des saints, et il ajoute, comme s’il exprimait la crainte d’un malheur probable et imminent, que la fidélité aux dieux deviendra un