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Dans la constitution des autorités scolaires, il y a un côté excellent et il y a un côté détestable. Le bon côté, c’est le système d’inspection ; le mauvais côté, c’est le mode de nomination du maître et de surveillance de l’école. L’inspection est faite par des hommes compétens, souvent anciens instituteurs eux-mêmes, et qui rendent de grands services pour un bien faible traitement. Les mieux rétribués ont 2,400 fr. par an, les autres 2,000 ou 1,600 fr., et des frais de tournée calculés à 7 francs par jour. Chacun d’eux a en moyenne 300 écoles à visiter.

Outre l’inspection, qui ne comporte qu’une ou deux visites par an au plus, il est bon qu’il y ait à côté de l’école un groupe d’hommes, un comité qui s’occupe de l’enseignement, qui encourage et surveille l’instituteur, qui donne l’impulsion et la vie à tout le régime. C’est là ce qui manque complètement à présent ; mieux valaient encore les anciens comités de 1833 que ce qui les remplace aujourd’hui. Les délégations cantonales et communales sont un rouage inutile et qui ne marche pas. Sur 2,809 délégations, 765 seulement sont portées comme fonctionnant ; mais celles-là mêmes ne se réunissent presque jamais, et tout se borne à quelques visites aux écoles faites de temps en temps par l’un ou l’autre de leurs membres.

La disposition la plus mauvaise de la loi actuelle est celle qui fait nommer l’instituteur par le préfet. Cette attribution est contraire au principe essentiel de la division des fonctions si judicieusement appliqué en Amérique, qui veut des hommes spéciaux pour des fonctions spéciales, the right man in the right place. Le préfet ne peut pas bien connaître les besoins de l’école. D’ailleurs il dépend du ministre de l’intérieur, non du ministre de l’instruction publique. Il est et doit être un agent politique ; or il convient que l’école soit soustraite à la sphère politique. Le système de la loi de 1850 était bien meilleur ; il attribuait la nomination de l’instituteur aux conseils municipaux sur une liste dressée par le conseil académique. Chaque autorité était ainsi dans son rôle naturel. Le conseil académique avait égard à la capacité, aux droits de l’ancienneté et des services rendus, et le conseil municipal aux convenances locales. L’autorité communale conservait assez d’initiative pour ne point devenir indifférente à l’école et non assez de puissance pour imposer de mauvais choix. Le système actuel est un fâcheux exemple de confusion des pouvoirs et de mauvaise centralisation.

Le curieux rapport présenté par M. Duruy en 1864 nous permet de résumer en chiffres exacts la situation de l’enseignement primaire à cette époque. Il n’y a pas de bonne organisation de l’instruction primaire sans de bonnes institutions pour former des