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exprimons et que d’autres éprouveront sans doute avec nous semblent avoir été partagés d’avance par les organisateurs de l’exposition eux-mêmes. N’a-t-on pas cherché en effet à excuser autant que possible l’absence de certaines œuvres par un hommage épigraphique à la mémoire de ceux qui les ont faites ? A défaut de ces monumens pittoresques qu’on n’était pas apparemment en mesure de nous montrer, on nous a donné sur la frise qui règne le long des murs de la salle une nomenclature à peu près complète des maîtres de tous les temps et de tous les pays. D’accord, à la condition pourtant de ne pas se contenter une seconde fois de ce procédé historique, de ce moyen un peu sommaire de décoration. L’exposition rétrospective de 1866, il faut le répéter, ne peut et ne doit être considérée que comme une première tentative, comme une épreuve qui, en raison de sa nouveauté même, ne pouvait s’accomplir sans quelque déconvenue, sans quelque incertitude tout au moins. À ce titre, elle ne saurait être jugée bien sévèrement par la critique, et d’ailleurs, si restreint qu’en soit le nombre, les beaux morceaux qu’elle renferme suffiraient pour la recommander aux regards des artistes et des connaisseurs. S’il est donc permis pour l’avenir d’espérer davantage, il n’y a que justice après tout à tenir compte dans le présent des difficultés de la tâche entreprise et du commencement de succès obtenu.


HENRI DELABORDE.



LA TURQUIE INDUSTRIELLE ET FINANCIERE[1].


L’Orient en général, la Turquie en particulier, ont depuis quelques années attiré de nombreux voyageurs, et bon nombre de ceux-ci se sont crus appelés à décrire ce qu’ils avaient vu. On pourrait dresser une liste formidable de ces zélés narrateurs au nombre desquels on compte mainte et mainte femme d’esprit, quelques poètes, pas mal de pèlerins aristocratiques et religieux, voire un certain nombre d’humoristes. Le dernier venu, — celui dont nous allons nous occuper, — n’appartient à aucune de ces catégories. C’est un homme d’argent en même temps qu’un homme d’imagination et d’un esprit fort alerte, — un phénomène, direz-vous là-dessus ; mais non, l’épigramme porte à faux, car de notre temps l’aventure financière ne tente pas seulement les intelligences médiocres, et dans cette vaste mêlée que produit la course aux millions on entrevoit çà et là des types qui ne rappellent en aucune façon celui de Turcaret ou des stupides traitans d’après lesquels Lesage avait composé ce personnage comique.

M. Farley, qui est, nous le croyons, un des directeurs de la banque ottomane (Ottoman bank, celle qui siège à Londres), envisage la Turquie à un seul point de vue, comme un vaste champ de réformes industrielles et de

  1. Turkey, by J. Lewis Farley ; London 1866.