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bhotanèses, car ceux-ci se contentaient de sortir de leurs montagnes à l’époque de l’année où ils avaient coutume de recueillir l’impôt, et ne s’établissaient jamais dans la plaine d’une façon définitive. Quoique attachés à leur pays, les habitans des Dooars sont assez nomades ; ils abandonnent le sol sur lequel ils sont campés dès que la terre paraît épuisée. Ils vont plus loin, reviennent ensuite au lieu de leur premier établissement, et se promènent ainsi tour à tour sur une vaste étendue de terrain dont ils exploitent successivement tous les coins. Aussi n’ont-ils que des huttes mobiles, établies sur des pilotis de bambous à quelques pieds du sol, afin d’être à l’abri des animaux malfaisans qui abondent dans la contrée ; — du reste peu de villages et surtout pas de villes. Ils cultivent le riz, le tabac, le chanvre ; des cantons entiers, restés à l’état sauvage, sont couverts d’impénétrables buissons à travers lesquels les Anglais avaient beaucoup de peine à s’ouvrir un passage.

A l’entrée des montagnes, les colonnes allaient rencontrer de plus graves difficultés, accrues encore par l’ignorance à peu près complète où l’on était dans l’armée anglaise des ressources militaires de l’ennemi, de la situation et de l’importance des forts où il devait être retranché. A dire vrai, il parut évident plus tard que les Bhotanèses ne s’attendaient pas à cette attaque et croyaient que cette fois encore tout se passerait en vaines paroles. Il n’y avait nulle part aucun préparatif de résistance ; les forts étaient mal approvisionnés, défendus par un très petit nombre de guerriers. Ainsi celle des colonnes qui agissait sur l’extrême gauche arriva dans les premiers jours de décembre au fond de la vallée que domine le fort de Dhalimkote. Le jungpen qui commandait cette place manifesta d’abord l’intention d’accueillir les Anglais en amis, puis se ravisa pendant la nuit et en définitive refusa de leur ouvrir les portes. Ses moyens de défense étaient bien faibles, une cinquantaine d’hommes, dit-on, quelques-uns armés de mousquets, la plupart n’ayant que des arcs ou même que des pierres qu’ils lançaient à la main ou avec une sorte de catapulte. L’armée anglaise, elle, avait deux canons Armstrong. Après huit heures de canonnade, une tour s’écroula, et les sepoys entrèrent par la brèche avec beaucoup d’entrain. En même temps les Bhotanèses se retiraient par une porte de derrière sans être poursuivis, en ne laissant que trois hommes blessés dans la place. Les Anglais avaient été bien plus maltraités, car ils comptaient dans leurs rangs plus de vingt tués ou blessés, non compris une douzaine d’hommes qui avaient été atteints pendant le combat par l’explosion d’un caisson d’artillerie. C’est donc tout au plus si l’avantage était resté en cette affaire aux armes civilisées. On dit, il est vrai, que les indigènes