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bien étrange, car il lui manquerait la consécration majestueuse de la liberté, il lui manquerait aussi, — il ne faut pas l’oublier, — les deux profondes causes qui ont favorisé et à certains égards justifié l’œuvre tentée au-delà des Alpes : l’excès d’un mauvais gouvernement dans la plupart des états absorbés et la haine de la domination étrangère ; — un Cavour poméranien pour tout dire, — mais qui, par le temps où nous vivons, pourrait encore faire figure dans le monde des grands esprits, et peut-être même arriver à ses fins, s’il possédait réellement le talisman que le ministre de Victor-Emmanuel avait su emporter d’une certaine entrevue, et si Biarritz était en effet le pendant de Plombières, ainsi que persistent à l’admettre les amateurs trop raffinés des analogies historiques.

Quoi qu’il en soit, cette incertitude qui met à une si rude épreuve plus d’une puissance de ce monde (jusqu’à la plus grande de toutes, la Bourse), elle vient aussi accabler l’humble écrivain qui note les événemens au passage, et s’efforce de se rendre un compte exact d’une crise où se jouent peut-être les destinées des nations. Le mot de la situation lui échappe, et, même en ne s’avançant que sur le chemin battu de la publicité officielle, il craint partout des attrapes et des pièges. Ce n’est pas une raison toutefois de renoncer à la modeste tentative de rapprocher ce qu’on a pu recueillir de faits bien établis et de les coordonner dans un certain ensemble. Les vues des cabinets, les hautes combinaisons des gouvernemens peuvent nous demeurer voilées ; mais les affaires d’Allemagne, prises en elles-mêmes, ressortent avec assez de clarté des documens acquis à la publicité et se présentent dans un enchaînement suffisamment logique. Ce sont donc ces affaires intérieures d’Allemagne que l’on voudrait rapidement passer en revue, abstraction faite de l’influence qu’exercent sur elles les considérations du dehors. Ce n’est pas une grande peinture qu’il nous est permis de présenter : le fond du tableau nous manque, avec son ciel, ses horizons lointains, ses plis de terrain cachés, avec ces figures du second et du troisième plan qui donnent d’ordinaire l’unité à la composition et commandent toute la scène. A défaut de ces élémens, qu’il nous répugne de remplacer par la fantaisie, contentons-nous de dessiner avec la plus grande exactitude possible les objets les plus rapprochés de nous, les moins enveloppés de brouillard, les quelques groupes que nous distinguons sur le premier plan.


I

Sans vouloir refaire ici la lamentable histoire du démembrement de la monarchie danoise, il importe néanmoins de rappeler en