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appelons d’abord l’attention sur ce fait, afin que les intéressés, si nombreux en France, abordent avec plus de calme l’examen dont nous allons leur fournir les élémens.


I. — SITUATION DU TRESOR ITALIEN.

On sait comment s’est formée l’unité italienne : désirée à peu près sans exception, elle n’était pas préparée. Ce que n’eût peut-être pas fait le raisonnement, l’instinct l’accomplit. On était sur un champ de bataille, en présence d’un ennemi multiple et puissant. Un vif et rude mouvement de concentration devenait une manœuvre défensive. Discuter les clauses du contrat, on n’en avait pas le temps, et il eût été impolitique d’y regarder de trop près. Chaque peuple entra donc dans l’union comme on revient dans une famille, en y apportant son avoir et ses engagemens, ses aptitudes et ses défauts, son idéal et ses répugnances. L’urgent était de se serrer pour être fort : on remit les comptes au lendemain.

Le gouvernement de Turin, tout en ayant l’air de travailler pour lui-même, n’allait pas faire, par le côté financier, une affaire brillante. Les premiers frais de l’émancipation nationale avaient pesé particulièrement sur lui, peut-être avait-il un peu trop sacrifié à l’engouement des travaux publics, de là un arriéré ; toutefois la dette, comportant une annuité d’une cinquantaine de millions, n’était pas disproportionnée avec les ressources : il y avait un actif dans la possession des chemins de fer. Le budget, qui laissait depuis quelque temps un découvert, était bien ordonné et permettait d’opérer le rétablissement de l’équilibre. Au contraire, dans les pays où avait régné le bon plaisir, la comptabilité était louche. Comme dans ces mines crevassées où l’on use le capital à prévenir les infiltrations et les éboulemens, on avait épuisé les ressources naturelles pour combattre le travail souterrain de la révolution. La Toscane, les Deux-Siciles, avec leur prospérité apparente, allaient démasquer des déficits budgétaires auxquels on ne s’attendait pas. Ce n’est pas tout. Chaque groupe arrivait avec un idéal de progrès et de justice auquel il fallait donner quelque satisfaction. La Lombardie se plaignait d’une surtaxe d’un tiers sur l’impôt foncier, on se hâta de l’abolir. Dans la Toscane et les pays napolitains, les droits d’octroi furent transférés du trésor aux communes. La taxe sur la mouture était devenue insupportable dans la Sicile, l’Ombrie et les Marches romaines, régions qu’il importait d’attacher au régime nouveau : on leur sacrifia un revenu de 17 millions. Les réformes considérées comme le programme de la civilisation, on les mit à