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ils ne s’aventurent qu’à bon escient sur les escarpemens périlleux. Sans remplir le monde du bruit de leurs exploits comme plusieurs gravisseurs anglais dont le seul mérite est de savoir monter à l’assaut des pics les plus redoutables, des géologues et des naturalistes comme Theobald et Vogt ont certainement contribué autant que personne aux progrès de la science des Alpes. Du reste, en Allemagne comme en Angleterre, on commence à bien comprendre de quelle importance capitale pour l’amélioration de l’espèce humaine sont tous les exercices du corps, et de toutes parts se sont fondées des sociétés de gymnastique. Ces institutions excellentes, qui comptent déjà plus de 150,000 membres dans les diverses parties de la confédération, ne rendent pas seulement à la race le service immense de la développer en force, en grâce et en beauté ; elles mettent aussi en relations journalières, et sur le pied d’une libre égalité, des hommes appartenant à toutes les classes, savans, médecins, ingénieurs, commerçans, ouvriers. Elles font pénétrer peu à peu dans la société les mœurs républicaines en donnant à chaque homme, avec plus de force physique, une instruction plus étendue, une compréhension plus large de son droit et de ses devoirs, une plus grande habitude du suffrage et de la discussion. Les associations de gymnastes qui s’organisent successivement dans chaque cité finiront par couvrir tout le pays d’une multitude de groupes fédéralisés dont les concours nationaux sont à la fois des jeux olympiques et de véritables parlemens. Ainsi la gymnastique peut être considérée comme l’un des grands élémens de la régénération matérielle, politique et sociale du peuple. Elle ne manquera pas non plus, par son heureuse influence sur l’équilibre physique et moral du citoyen, de corriger ce qu’il y a de vague, de faux et de mystique dans l’amour des Allemands pour la nature.

Quelques déviations qu’il ait subies depuis le commencement de l’ère historique, cet amour a toujours été l’un des traits distinctifs des populations de la Germanie, ainsi que le prouvent les légendes et les chansons recueillies en si grand nombre dans les diverses contrées de l’Allemagne. Les descendans de ces Teutons qui habitaient les forêts profondes n’ont jamais ignoré la beauté de leurs bois de chênes, de hêtres ou de sapins, de leurs fontaines jaillissant discrètement dans l’herbe des prairies ou sous les feuilles mortes, de leurs montagnes arrondies toutes rayées de neige pendant l’hiver. Un des meilleurs témoignages que l’on puisse invoquer pour constater la force du sentiment qui a toujours porté les Allemands vers la nature se trouve dans les noms patronymiques. En France, les appellations ignobles ou du moins vulgaires sont malheureusement très nombreuses. Quant aux noms de famille empruntés à la terre, tels que Dumont, Dubois, Lafont, Duplan, Durrieu, ils